Conférence environnementale : « Aller au-delà des bonnes intentions »

, par   Pierre Radanne

En 2007, Nicolas Sarkozy, tout juste vainqueur de la présidentielle, lançait avec son « Grenelle de l’environnement » une première phase de concertation aux résultats partiellement positifs du point de vue des intentions, mais dont les conséquences concrètes restèrent décevantes en raison d’« une certaine érosion de la volonté », notamment lors des dernières années de son mandat. En septembre 2012, François Hollande, son successeur à la Présidence de la république, inaugure une « Conférence environnementale » qui devrait se réunir chaque année. Cette relance de la concertation environnementale en France est évidemment bienvenue, en particulier au regard des défis de l’énergie et du climat, face auxquels « c’est l’ensemble du système énergétique qui est à repenser pour les cinquante ans qui viennent ». Mais il « reste à voir comment tout cela va se concrétiser au-delà des bonnes intentions. »

Pierre Radanne (interview), NordEclair.fr, samedi 15 septembre 2012

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Introduction par NordEclair.fr,
Interview de Pierre Radanne, président de l’association 4D
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introduction

Le Nordiste Pierre Radanne est l’un des meilleurs spécialistes en France des questions environnementales. Conseiller notamment de Lille Métropole Communauté Urbaine sur ces sujets, il participe à tous les grands rendez-vous nationaux et internationaux. Hier, entre deux tables rondes, il a décrypté pour « Nord éclair » les enjeux de la conférence environnementale.

Erwan Guého, Nord éclair

« aller au-delà des bonnes intentions »

Cinq ans après le Grenelle de l’environnement, le gouvernement a remis hier autour de la table tous les acteurs de l’environnement. Pouvez-vous nous rappeler pourquoi Nicolas Sarkozy avait souhaité aussi le faire en 2007 ?

Pierre Radanne : D’abord, il y avait pour Nicolas Sarkozy un objectif institutionnel. À savoir que la société française sur ces sujets-là ne s’était jamais parlé à elle-même dans sa diversité. L’initiative de Nicolas Sarkozy, juste après la présidentielle de 2007 et notamment sous la pression de Nicolas Hulot, a permis de mettre tout le monde autour de la table.

Parmi les sujets sur lesquels il y avait consensus lors de ce Grenelle, il y avait la nécessité d’améliorer la qualité de construction en France et de réhabiliter le patrimoine bâti pour économiser l’énergie et lutter contre le changement climatique.

Le Grenelle de l’environnement avait ainsi confirmé les décisions antérieures sur la nécessité de diviser par quatre les gaz à effet de serre, ce qui avait débouché sur la demande auprès des collectivités locales de faire des plans climat-énergie. La communauté urbaine de Lille est, par exemple, en train de terminer son plan climat qui sera voté en décembre.

Derrière tout cela, il y avait aussi l’idée de développer les énergies renouvelables après une période longue pendant laquelle la France disait : « Moi, mon créneau, c’est le nucléaire ».

Il y a eu aussi des progrès sur la question des transports, avec notamment la mise en place d’une politique qui a très bien marché : le bonus-malus, c’est-à-dire donner une prime pour les voitures qui étaient écolos et, au contraire, un malus, c’est-à-dire une taxe à l’achat, pour les voitures qui étaient très consommatrices d’énergie.

Également à retenir de ce Grenelle, le volet agricole avec la volonté de développer le bio.

Et après, comment cette volonté affichée en 2007 s’est-elle traduite ?

Il faut bien constater qu’il y a eu une certaine érosion de la volonté, notamment lors des dernières années. Certaines déductions fiscales en faveur de l’environnement ont diminué ou disparu.

Donc, si on fait le bilan du Grenelle, il y a eu un aspect positif dans la phase de concertation et d’élaboration de propositions mais, par contre, un certain nombre de difficultés pour tenir ces engagements dans la durée.

Pourquoi la nécessité de cette nouvelle conférence environnementale ?

Là, bien sûr, on a un changement de Président. On repart avec une méthode qui est à peu près la même avec une concertation large à l’intérieur de la société française : l’État, les collectivités locales, les associations, le patronat et les syndicats. On y ajoute les parlementaires qui avaient eu le sentiment de se faire un peu écarter lors du Grenelle.

Cette conférence environnementale sera annuelle. Elle aura pour but, à chaque fois, de définir des axes de travail, des processus de négociations et de se revoir, chaque année, pour faire le bilan de ce qui a marché ou non. Et voir s’il y a des chantiers supplémentaires à ouvrir.

Comment a été perçue l’intervention de François Hollande en ouverture de cette conférence ?

De l’avis général, il a fait un discours qui avait du souffle. Autant pendant la campagne présidentielle il avait eu beaucoup de mal à s’exprimer sur les questions environnementales qu’il contournait, autant son discours de ce matin était un discours très long, très structuré qui permet de bien avancer.

Lors de cette conférence environnementale, quel est l’aspect auquel vous serez le plus attentif ?

C’est sur l’énergie que je serai le plus attentif. La France a sur la politique de l’énergie des antagonismes qui durent depuis des décennies et qui sont ravivés par des accidents divers et variés, le plus récent étant celui de Fukushima.

Tout cela s’inscrit dans un contexte d’augmentation permanente des prix de l’énergie qui deviennent de plus en plus préoccupants. On voit bien que c’est l’ensemble du système énergétique qui est à repenser pour les cinquante ans qui viennent.

Concrètement, qu’attendez-vous ?

L’annonce sur la rénovation thermique des logements est importante. Le développement des énergies renouvelable a été bien reprécisé. Et puis, il y a eu aussi tout un volet dans le discours de François Hollande sur la biodiversité et la responsabilité internationale de la France en la matière, notamment avec notre domaine maritime qui est l’un des plus importants au monde. Il y a eu une vision assez large. Reste à voir comment tout cela va se concrétiser au-delà des bonnes intentions.

Propos recueillis par Erwan Guého

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à voir également sur le site de global chance

(si encadré : résumé au survol)

L’énergie et les présidentielles : décrypter rapports et scénarios
Les Cahiers de Global Chance, n°31, mars 2012

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