Climat : « On n’est pas encore dans la trajectoire »

, par   Laurence Tubiana

Trois mois avant la Conférence internationale sur le climat (COP21), qui aura lieu à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015, Laurence Tubiana, ambassadrice de la France aux négociations climatiques, bien que consciente du chemin qui reste à parcourir, revient avec un relatif optimisme sur les avancées du processus de négociation.

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Laurence Tubiana : Climat : « On n’est pas encore dans la trajectoire »
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CLIMAT : « ON N’EST PAS ENCORE DANS LA TRAJECTOIRE »

Laurence Tubiana (interview), LeJDD.fr, lundi 31 août 2015

Laurence Tubiana, ambassadrice de la France aux négociations climatiques pour la COP21, revient sur les avancées, alors que se tient dans trois mois la Conférence internationale sur le climat (COP21) à Paris.


Avant chaque conférence sur le climat reviennent les mêmes mots : « urgence », « réunion de la dernière chance ». Et souvent, cela se solde par un échec. Pourquoi en serait-il autrement de la COP21 ?

Je n’aime pas ce terme de « dernière chance ». Je dirais plutôt que Paris est la meilleure chance que l’on ait depuis très longtemps. Pour beaucoup de pays, dont la Chine, le Brésil, mais aussi beaucoup de pays en développement, mettre en place une politique climatique n’appartenait pas à leur horizon. Cela a changé aujourd’hui.

Pourquoi ?

Il y a une prise de conscience. En 2009, la Chine, par exemple, n’était pas prête à prendre des ­engagements aussi ambitieux. Mais depuis, des rapports de l’Académie des sciences ont signalé que le réchauffement était un risque majeur pour l’économie. S’ajoutent à cela des effets graves sur la santé : imaginez qu’à Pékin ou Shanghai les habitants inhalent l’équivalent de 40 cigarettes par jour ! Et puis, économiquement, le contexte aujourd’hui est différent de celui de Copenhague en 2009. À l’époque, la lutte contre le réchauffement n’était pas perçue comme une opportunité de relance économique. Or, aujourd’hui, elle représente l’avenir. Par exemple pour les énergies renouvelables, si vous faites la somme des contributions [engagements déjà formulés par les différents pays] et que vous le convertissez en investissements, c’est même le marché du siècle !

Reste que certaines contributions nationales de pays très pollueurs comme le Japon, la Russie ou le Canada sont très décevantes…

Je ne suis pas là pour attribuer les bons et les mauvais points, et personne ne va mettre un pistolet sur la tempe des gouvernements pour leur dire quoi faire. La seule manière de faire est de les convaincre qu’il est dans leur intérêt de faire davantage.

Les contributions des États-Unis et de la Chine, aussi ambitieuses soient-elles, ne sont pas suffisantes pour maintenir l’augmentation de la température mondiale sous les 2 °C d’ici à 2100, qui est l’objectif à atteindre. Pourrez-vous les pousser à faire plus ?

Les annonces faites par Barack Obama représentent un gros ­effort et elles sont sur la trajectoire d’une diminution des émissions de 80 % des gaz à effet de serre en 2050. Quant à la Chine, elle a pris l’option de descendre ses émissions à partir de 2030. Mais beaucoup d’experts pensent qu’elle peut le faire avant. Alors, certes, on n’est pas encore dans la trajectoire la plus crédible pour limiter la hausse des températures en dessous de 2 °C. D’où la nécessité dans l’accord d’avoir impérativement un mécanisme de révision : il faut que tous les cinq ans on institue une clause de rendez-vous pour faire mieux, notamment grâce aux avancées technologiques.

Reste ensuite à régler le problème de la participation financière. Êtes-vous d’accord avec François Hollande, qui a dit que sans consensus sur ce point la conférence de Paris serait un échec ?

Tout à fait, mais ce n’est pas la seule question à régler. D’ailleurs, il vaudrait encore mieux parler d’investissements que de finances. Il faut investir 3.000 milliards de dollars dans les dix prochaines années dans l’énergie. Et au lieu de le faire dans le charbon, il faut le faire dans d’autres énergies moins polluantes. C’est plutôt comme cela que le problème doit être posé.

L’accord qui pourrait être signé à Paris sera-t-il contraignant ?

Oui, pour le cœur de l’accord. En droit international, un accord contraignant stipule que les pays s’obligent à traduire dans leur droit national l’accord signé ou à le mettre en œuvre avec des mesures nationales.

Y aura-t-il un système de vérification et de sanctions en cas de non-respect de l’accord ?

Les pays feront un rapport sur ce qu’ils ont mis en œuvre, comme cela se fait à l’OMC, et il y aura des règles pour mesurer et vérifier les résultats dont les grandes lignes feront partie de l’accord de Paris. Les ONG et organismes scientifiques, sur place, continueront de toute façon à faire leur travail de témoignage, de vigilance. Quant aux sanctions, l’idée reste pour l’heure très théorique.

Propos recueillis par Antoine Malo

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