Cahier de Global Chance n°28 ∣ La science face aux citoyens

Élever le débat

, par   Denis Sieffert

Cet article a été publié en 2010 dans le cadre du numéro 28 des cahiers de Global Chance en collaboration avec Politis : Science, pouvoir et démocratie. faisant actes du colloque « Science et démocratie » organisé le 20 novembre 2010 par l’AITEC, la Fondation Sciences citoyennes, Global Chance et Politis.

« Je voudrais tout d’abord remercier Jacques Boutault, maire du deuxième arrondissement, de nous accueillir dans cette belle salle, ainsi que nos partenaires, Sciences citoyennes, Global Chance et AITEC, dont certains représentants ici présents, comme Benjamin Dessus, Gus Massiah ou Jacques Testart, qui ont beaucoup contribué à l’organisation de ce colloque, sont bien connus des lecteurs de Politis. Nous venons de recevoir l’ordre de renvoi devant le tribunal correctionnel, suite logique de la plainte en diffamation intentée par Claude Allègre contre Politis et les auteurs de la tribune « Claude Allègre, question d’éthique » parue en juin 2009. Nous avions, dès le mois de juin, avec Médiapart, répliqué en lançant une pétition et organisé une réunion au sujet de cette affaire.
Aujourd’hui, nous allons évidemment répondre à cette incrimination, répondre au provocateur, à l’imposteur, comme le nomme Sylvestre Huet dans le titre même de son livre, d’un imposteur qui joue en particulier sur la notion de doute que revendique la communauté scientifique, en la dévoyant, en l’instrumentalisant à son profit pour aboutir à une sorte de relativisme absolu qui finit par anéantir toute certitude, au service d’intérêts particuliers et au déni de l’intérêt public.

Mais nous allons surtout tenter, grâce à ce colloque, d’élever le débat et d’interroger l’idéologie positiviste aujourd’hui vieille d’un siècle et demi. En effet, après avoir accompagné et favorisé l’émancipation initiale ces sociétés, la science semble échapper aujourd’hui à tout contrôle démocratique, et se considère comme l’expression même de la démocratie, alors que nous avons vécu le nazisme, le stalinisme et aujourd’hui un productivisme néolibéral qui ont montré, ou montrent, que la science peut aussi servir de très mauvaises causes. Ce n’est pas par hasard que Politis se trouve au cœur de ce débat : depuis le manifeste positiviste de Heidelberg en 1992, et l’appel à la raison lancé par quelques-unes des personnalités présentes à ce colloque, nous nous sommes toujours impliqués dans cette question centrale des relations entre science et démocratie.
Mais c’est aussi parce que nous, journalistes, devons balayer devant notre porte. En effet, la question du contrôle citoyen des avancées scientifiques pose la question de la médiatisation de la science. Souvent par paresse, mais aussi, hélas, par soumission à des intérêts économiques, les journalistes ne remplissent par leur rôle dans ce domaine. Peut-être faut-il aussi se pencher sur cette idéologie qui imprègne nos pratiques et qui consiste, sous prétexte d’objectivité, à rechercher de fausses symétries, comme si la vie était symétrique, entre vérité et mensonge, en les mettant simplement en scène pour en faire un spectacle.

Quant à nous, à Politis, nous prenons parti, nous affichons nos opinions, nous ne sommes pas dans le mirage de l’objectivité et c’est la raison pour laquelle il nous semble logique que nous nous trouvions au cœur du débat d’aujourd’hui. »