Les transitions énergétiques française et allemande : convergence ou divergence dans le cadre européen

, par  Andreas Andreas Rüdinger

À travers le débat national sur la transition énergétique et le projet de loi du même nom actuellement à l’étude, la France est en train de définir sa propre vision du projet de transition énergétique. Il semble dès lors intéressant de l’analyser au regard de son ambition et de son orientation, en le comparant au projet de « tournant énergétique » allemand (Energiewende) et en revenant rapidement sur les origines historiques de ces évolutions. Une telle comparaison semble d’autant plus utile et nécessaire aujourd’hui que l’Allemagne et la France affrontent des défis communs (changement climatique, tensions sur les marchés des ressources fossiles, nécessités de réduire les risques environnementaux et les risques d’accident, sauvegarde de la compétitivité, réduction de la dépendance énergétique, etc.) qui nécessitent des réponses coordonnées et la mise en place de politiques de transition robustes. Cette longue contribution a l’ambition de dépasser certains tropismes du débat actuel, telles la juxtaposition stérile de deux projets ou modèles à tel point différents qu’ils en deviennent incomparables ou encore la caractérisation polémique de la décision allemande de sortie du nucléaire comme « irrationnelle » – car prise à chaud – et, vice versa, de la politique française de soutien au nucléaire comme « irresponsable » – car ignorant les leçons de Fukushima. A contrario, elle propose une comparaison qui insiste sur les similitudes des projets de transition et les complémentarités dans des systèmes énergétiques en pleine mutation, ainsi que sur les leçons à tirer des expériences passées et les défis à relever dans un futur proche, défis qui sont d’ailleurs très comparables de part et d’autre du Rhin...

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Andreas Rüdinger et Stefan C. Aykut : Les transitions énergétiques française et allemande : convergence ou divergence dans le cadre européen
Pour aller plus loin : Changer de paradigme | Les Dossiers de Global-Chance.org

LES TRANSITIONS ÉNERGÉTIQUES FRANÇAISE ET ALLEMANDE :
CONVERGENCE OU DIVERGENCE DANS LE CADRE EUROPÉEN

Andreas Rüdinger & Stefan C. Aykut, Annuaire français de relations internationales, volume XVI, août 2015, pp. 389-407


Sommaire de l’article
Energiewende et transition énergétique : état des lieux et objectifs
La question du nucléaire au cœur des divergences franco-allemandes
Des problèmes symétriques mais peu discutés
Faut-il « européaniser » les transitions allemande et française ?
La route difficile vers une Europe de l’énergie

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À travers le débat national sur la transition énergétique et le projet de loi du même nom actuellement à l’étude, la France est en train de définir sa propre vision du projet de transition énergétique. Il semble dès lors intéressant de l’analyser au regard de son ambition et de son orientation, en le comparant au projet de « tournant énergétique » allemand (Energiewende) et en revenant rapidement sur les origines historiques de ces évolutions. Une telle comparaison nous semble d’autant plus utile et nécessaire aujourd’hui que l’Allemagne et la France affrontent des défis communs (changement climatique, tensions sur les marchés des ressources fossiles, nécessités de réduire les risques environnementaux et les risques d’accident, sauvegarde de la compétitivité, réduction de la dépendance énergétique, etc.) qui nécessitent des réponses coordonnées et la mise en place de politiques de transition robustes.

Notre contribution a l’ambition de dépasser certains tropismes du débat actuel, telles la juxtaposition stérile de deux projets ou modèles à tel point différents qu’ils en deviennent incomparables ou encore la caractérisation polémique de la décision allemande de sortie du nucléaire comme « irrationnelle » – car prise à chaud – et, vice versa, de la politique française de soutien au nucléaire comme « irresponsable » – car ignorant les leçons de Fukushima. A contrario, nous proposons une comparaison qui insiste sur les similitudes des projets de transition et les complémentarités dans des systèmes énergétiques en pleine mutation, ainsi que sur les leçons à tirer des expériences passées et les défis à relever dans un futur proche. Ces derniers sont d’ailleurs très comparables de part et d’autre du Rhin.

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ENERGIEWENDE ET TRANSITION ÉNERGÉTIQUE : ÉTAT DES LIEUX ET OBJECTIFS

Bien qu’on raccroche généralement le concept de transition énergétique à ses émanations politiques plus récentes, en lien avec le développement durable et la lutte contre le changement climatique, force est de constater que ses origines remontent à bien plus loin. Ainsi, en Allemagne, le premier travail « fondateur » concernant la perspective d’une transition énergétique revient à un rapport de l’Öko-Institut, lequel, dès 1980, publiait une étude sur le « tournant énergétique » axée autour d’une vision nouvelle : découpler la croissance économique et la consommation d’énergie et sortir simultanément du nucléaire et du pétrole en s’appuyant sur les énergies renouvelables et la maîtrise de la demande énergétique (1). Cela étant, ce n’est qu’à partir des années 2000 que ce projet s’est matérialisé réellement dans l’agenda politique dans le cadre du projet de transition énergétique promue par la coalition des Sociaux-démocrates (SPD) et des Verts au pouvoir depuis 1998.

De manière générale, dans les deux pays, le choc pétrolier de 1973 a constitué un premier moment fort de la restructuration des systèmes énergétiques. En Allemagne, ce dernier a donné lieu à l’émergence de la formule « CoCoNuke », désignant une concentration nouvelle sur le charbon (coal) – première énergie domestique –, la maîtrise de la demande énergétique (conservation) et le nucléaire, considéré alors comme énergie moderne et peu onéreuse (2). De même, en France, le choc pétrolier a été à l’origine du Plan Messmer pour le développement électronucléaire, qui a conduit à la construction de 40 GW de nouvelles capacités en l’espace de dix ans. En parallèle, c’est également à ce moment qu’a été créée l’Agence française de maîtrise de l’énergie, ancêtre de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), pour structurer l’effort national en matière d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables, effort qui s’est rapidement estompé avec le contre-choc pétrolier de 1986.

Suite à cette parenthèse historique, il faut effectivement remonter au début des années 2000 pour retrouver la trace des projets de transition énergétique. Il est alors intéressant de considérer que les stratégies nationales se sont construites par petits tronçons avant de former un projet à long terme plus ou moins exhaustif et cohérent. C’est le cas en Allemagne, où l’objectif de sortie du nucléaire (2000) précède la définition d’objectifs de long terme sur le climat (2007), l’efficacité énergétique (2010) et les énergies renouvelables (2010) (3). C’est également le cas en France, où différentes lois ont permis d’ancrer les objectifs de la transition énergétique depuis 2005, la grande difficulté étant d’assurer leur cohérence au sein d’une vision commune, « objectif premier de la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte » (4).

Avant de s’intéresser à la question du niveau d’ambition des stratégies nationales, il convient de s’intéresser de plus près aux situations de départ de la France et de l’Allemagne. Si ces dernières présentent effectivement quelques différences notables – principalement liées au système électrique –, elles montrent également que les deux pays font face à des défis communs.

Concernant la lutte contre le réchauffement climatique tout d’abord : les deux pays affichent la même volonté de réduire les émissions par habitant à 2 tonnes équivalent CO2 d’ici 2050, objectif requis pour préserver une chance raisonnable de limiter le réchauffement global à 2°C. La légère différence entre les objectifs nationaux pour 2050 (-75% pour la France et entre -80 et -95% pour l’Allemagne) s’explique par les niveaux de départ respectifs, bien que ces derniers ne divergent pas autant que certains aimeraient le croire. En effet, si la différence est importante en considération des seules émissions de CO2 (5,8 tonnes par habitant en France contre 10 en Allemagne en 2012), elle a tendance à se réduire si on tient compte de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre (8 tonnes par habitant en France et 11,2 en Allemagne) en raison des importantes émissions de méthane en France (agriculture et déchets principalement).

Concernant la dimension économique ensuite : bien que les deux pays affichent des performances différentes en termes de balance commerciale (un excédent de 198 milliards d’euros en Allemagne en 2013, contre un déficit de 61 milliards en France), la facture due aux importations d’énergie reste colossale, puisque ce sont plus de 1 000 euros par habitant que les deux pays dépensent chaque année pour les énergies fossiles importées, représentant une fuite de capital énorme pour l’économie nationale. C’est donc le même raisonnement économique qui s’applique : reporter les investissements et emplois locaux dans les énergies nouvelles et substituer l’efficacité énergétique aux importations d’énergies fossiles. Et par extension le même défi : organiser une montée en puissance substantielle des investissements dans la transition à court terme, pour réaliser des bénéfices au niveau économique à moyen et long termes (5).

Concernant la dimension sociale enfin : la précarité énergétique devient un sujet politique de premier rang. En France, ce sont plus de 4 millions de ménages qui sont touchés. En Allemagne, si le débat tourne essentiellement autour du prix de l’électricité – qui atteint le double pour les ménages allemands par rapport à la France –, il ne faut pas oublier une donnée centrale : au-delà de l’électricité, le prix a doublé pour toutes les énergies, voire triplé pour le gaz, et c’est bien là toute la raison d’opérer au plus vite cette transition énergétique pour limiter notre vulnérabilité face aux envolés à venir des prix (6).

La dimension sociale doit nécessairement intégrer un autre aspect essentiel, qui est celui de l’appropriation citoyenne, essentielle pour maintenir une adhésion à long terme face aux transformations structurelles que provoquera la transition énergétique. Cela pose en particulier la question de la gouvernance et des moyens d’actions à l’échelle locale. Il est alors intéressant de constater que le projet de loi français s’inspire d’une des réussites majeures du tournant énergétique allemand : à ce jour, plus de 50% des capacités existantes en matière d’énergies renouvelables appartiennent aux citoyens, notamment grâce à l’essor des coopératives locales d’énergie (7).

Contrastant avec une vision trop schématique qui mettrait en avant les divergences existant entre les deux pays, le constat d’une convergence progressive est frappant lorsqu’on considère à la fois les défis communs et les objectifs stratégiques de la transition énergétique de part et d’autre du Rhin, comme l’illustre le tableau ci-dessous. Ainsi, la vision française portée par la loi sur la transition énergétique affiche des objectifs très proches et, dans certains cas, même plus ambitieux que ceux de l’Allemagne. C’est en particulier le cas pour la maîtrise de la demande énergétique, étant donné que l’objectif français pour 2050 est défini en énergie finale, alors que celui de l’Allemagne l’est en énergie primaire (8). C’est également le cas pour le nucléaire : bien que la finalité soit différente – sortie complète pour l’Allemagne, diversification pour la France –, l’effort nécessaire reste très simil aire, puisque, partant de 2010, l’Allemagne doit remplacer 140 TWh de production électronucléaire par les énergies renouvelables et l’accroissement de l’efficacité énergétique, ce qui équivaut à l’effort français pour porter la part du nucléaire de 75 à 50% (9).

En conclusion de cette section, on peut retenir la forte convergence des stratégies française et allemande à long terme suite au débat national et aux orientations fournies par la loi sur la transition énergétique en France. Si des différences nationales subsistent, cela fait tout de même apparaître un potentiel et une pertinence nouvelle en faveur de la coopération à l’échelle bilatérale et européenne. Enfin, il est à noter que la question de la mobilité – pourtant essentielle pour les émissions de gaz à effet de serre et la consommation d’énergies fossiles – reste le parent pauvre des stratégies nationales et, par extension, de la politique européenne. En effet, au-delà des mesures technologiques isolées (soutien à la voiture électrique en France et en Allemagne, standards de performance d’émissions de CO2 en Europe), les acteurs peinent à dessiner une stratégie globale sur la question de la mobilité dans son ensemble.

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LA QUESTION DU NUCLÉAIRE AU CŒUR DES DIVERGENCES FRANCO-ALLEMANDES

Les objectifs français et allemands en matière de transition énergétique sont donc similaires, y compris en terme de réduction du nucléaire dans la production d’électricité. Si, dans les deux cas, il s’agit d’objectifs très ambitieux, le contexte politique dans lequel s’inscrivent ces engagements est toutefois différent, ce qui ne leur donne pas la même force. Pour comprendre ces différences, il est utile de revenir à l’événement déclencheur du récent virage dans les politiques énergétiques des deux pays, la catastrophe de Fukushima.

En Allemagne, les décisions prises après la catastrophe de Fukushima constituent l’aboutissement d’une transformation profonde du champ des politiques énergétiques, qui remonte au moins à la fin des années 1990, avec l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement de coalition entre sociaux-démocrates et verts. Cette coalition avait réuni les acteurs majeurs du secteur énergétique pour aboutir en 2000 à un « consensus sur l’atome » (Atomkonsens), retranscrit en 2002 dans une loi (Atomgesetz) qui interdisait la construction de nouvelles centrales et limitait la durée moyenne de fonctionnement des réacteurs existants à 32 ans, ce qui correspondait à une sortie de l’atome aux environs de 2021. L’arrivée au pouvoir en 2010 d’une coalition pro-nucléaire entre chrétien-démocrates et libéraux s’est soldée par une prolongation de la durée de fonctionnement des réacteurs (de 8 à 14 ans). Cette parenthèse devait se clore en 2011 après l’accident de Fukushima, quand le même gouvernement revint sur sa décision et adopta une loi d’« accélération de la sortie du nucléaire » prévoyant l’arrêt immédiat des 8 plus vieilles centrales et l’arrêt progressif des autres jusqu’en 2022. Les origines du tournant allemand sont même plus anciennes, puisqu’elles ont leur origine dans les années 1980, après l’accident de Three Miles Island et surtout après la catastrophe de Tchernobyl qui avait définitivement clôt la période d’« euphorie de l’atome » (Atomeuphorie) des années 1950 et 1960. Durant cette période, la contestation antinucléaire a obtenu un moratoire de fait concernant la construction de nouvelles centrales (10), faisant ainsi pencher la balance vers une sortie contrôlée du nucléaire. Le recours aux renouvelables est aussi antérieur à 2011 : un premier système de tarif de rachat avait été introduit en 1991. Favorable à l’énergie éolienne, ce système a servi de modèle pour la loi de soutien aux énergies renouvelables de 2000.

La catastrophe de Fukushima n’a donc pas provoqué une réorientation subite et radicale des politiques allemandes. Son importance pour le tournant énergétique allemand réside dans le fait que, pour la première fois, tous les partis représentés au parlement se sont rangés à l’objectif de sortie de l’atome (11). Elle met donc fin au « plus important conflit technico-politique » en Allemagne depuis la Seconde Guerre mondiale (12) et fait peser une contrainte forte mais désormais prévisible sur les acteurs économiques (13) et institutionnels. Cette prévisibilité est un atout majeur du tournant énergétique allemand, indispensable pour relever le défi qu’il représente mais très rarement pris en compte dans les modélisations économiques (14).

Quand le gouvernement allemand décida en 2011 d’accélérer la sortie de l’atome et donc le calendrier du tournant énergétique, les principaux dispositifs réglementaires étaient déjà en place et une dynamique favorable aux renouvelables était déjà lancée : entre 2000 et 2010, la loi sur les énergies renouvelables avait permis de multiplier par quatre la puissance existante en électricité éolienne, par 200 celle du photovoltaïque et d’augmenter de 6,4% à 17,1% la part des renouvelables dans la consommation d’électricité. En raison de ces efforts réalisés antérieurement, l’arrêt de huit réacteurs en 2011 n’a pas posé de problème majeur. Ainsi, la baisse de la production nucléaire de 32,5 TWh n’a pas, comme certains le prédisaient, provoqué de black-out ni nécessité une augmentation massive des importations : elle a été compensée par une diminution des exportations (de 9 TWh), une baisse de la consommation due à la crise et aux efforts de maîtrise de la consommation de l’énergie (de 3 TWh), mais surtout une augmentation massive de la contribution des énergies renouvelables au bouquet électrique allemand, qui a fait un bond de 18 TWh, pour passer de 17 à 20% de la consommation d’électricité.

Comme le montre A. Evrard (15), l’impact de l’accident de Fukushima a été moins important en France. Son rôle a été d’amorcer un débat sur les politiques énergétiques, plutôt que d’en constituer l’aboutissement. En témoigne la stratégie discursive déployée en France pour éviter que la catastrophe de Fukushima soit interprétée comme mettant en cause le modèle français des politiques énergétiques fondée sur un recours fort à l’électronucléaire. Les responsables ont alors préféré parler de « catastrophe sismique » plutôt que de « catastrophe nucléaire » (16), une stratégie qui avait déjà été employée lors de la catastrophe de Tchernobyl, qualifiée alors d’« accident soviétique » (17). Trois ans après Fukushima et plus de deux ans après l’élection de François Hollande, il n’y a d’ailleurs toujours pas de calendrier clair pour la fermeture de Fessenheim, doyenne des centrales nucléaires françaises, et, en dépit d’affirmations contradictoires, des doutes persistent quant à la volonté et à la capacité du gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour une fermeture effective dans le quinquennat actuel. En cas de changement de majorité lors des élections de 2017, la décision pourrait alors être révoquée. Les difficultés sur le dossier hautement symbolique de Fessenheim font apparaître l’objectif de réduction du nucléaire en France comme une annonce programmatique plutôt qu’un engagement ferme.

Ces différences sur le nucléaire ont des conséquences importantes sur les autres objectifs de politique énergétique. Si, en Allemagne, la question centrale est de marier sortie du nucléaire et réduction des émissions, en France, le problème principal – surtout pour les acteurs économiques – est la prévisibilité des politiques énergétiques.

Côté allemand, la question d’une compatibilité de la sortie de l’atome avec la décarbonation du système énergétique est soulignée par la résurgence récente du charbon dans le bouquet énergétique (passé de 41,5% de la production d’électricité en 2010 à 44% en 2012). Cela étant, le lien entre l’essor du charbon et la sortie du nucléaire est moins clair que ce qu’on pourrait croire. D’abord, les objectifs de l’Energiekonzept reposent sur un scénario de référence élaboré dans le cadre d’une étude (Leitstudie) réalisée par trois instituts de recherche à la demande du ministère de l’Environnement (18) faite antérieurement à la décision de prolongation. Cette étude, ainsi que les objectifs globaux et sectoriels du tournant énergétique allemand qui en découlent prenaient comme base le calendrier de sortie du nucléaire défini en 2000. Pour le ministère et les instituts en charge de l’étude, la faisabilité d’une politique énergétique qui combine sortie rapide du nucléaire et réduction ambitieuse des GES n’a donc jamais été en question. Du point de vue de l’administration, la décision d’une sortie accélérée ne constituait pas un obstacle à la réalisation des objectifs climatiques que l’Allemagne s’était fixée.

Ensuite, le recours accru au charbon pour la production d’électricité en Allemagne s’est surtout faite aux dépens du gaz, dont la contribution a baissé de 14% à 11%. Cette tendance récente de substitution du gaz par le charbon est un phénomène plus général en Europe. Elle traduit une réalité complexe, déterminée par deux facteurs sans lien avec la sortie allemande de l’atome. Le premier de ces facteurs réside dans l’état désastreux du marché du carbone européen. Les prix dérisoires pour les certificats de CO2 pénalisent tous ceux qui ont investi dans des centrales à gaz, moins émetteurs que les centrales à charbon mais plus chères au niveau de leur fonctionnement. Le deuxième facteur réside dans l’évolution du marché mondial de l’énergie, qui a vu une baisse du prix du charbon alors que le gaz naturel devenait plus cher (19). Le charbon est donc à nouveau très compétitif et les centrales thermiques allemandes – tout comme d’ailleurs les quelques centrales françaises (20) – fonctionnent à plein. A défaut de pouvoir influer sur le marché mondial des ressources énergétiques, la dimension européenne apparaît donc centrale au succès du tournant énergétique allemand, principalement à travers la question du marché de carbone ETS (système européen d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre). Enfin, en cas d’échec des mesures européennes visant à redresser le marché du carbone, des politiques unilatérales de l’Allemagne sont en discussion depuis novembre 2014 : ainsi, la fermeture anticipée de centrales à charbon et à lignite équivalant à 10 GW a récemment fait l’objet de débats au ministère de l’Économie. Il est également à signaler qu’une telle initiative nationale – bien que positive sur le plan écologique – risquerait de déséquilibrer encore plus le marché du carbone européen.

Côté français, l’instabilité réglementaire a un coût économique et politique direct. Ce point est souligné par un rapport récent de la Cour des comptes sur la mise en œuvre du paquet énergie-climat (21). À la fin du rapport, la Cour formule des recommandations, dont celle de « regrouper et simplifier les différents dispositifs de soutien et d’accompagnement. Une fois définis et correctement quantifiés, ils devront demeurer stables, afin de permettre aux acteurs de s’engager dans des investissements de longue durée ». La Cour touche ici au cœur du problème, puisque le manque de prévisibilité et de cohérence des politiques françaises en matière de renouvelables a, malgré des conditions géographiques et climatiques très favorables pour ces énergies, empêché l’investissement dans ce domaine et donc l’essor d’une industrie des renouvelables comparable à celle qui a émergé en Allemagne (22). Là aussi, le niveau européen paraît important, puisque des objectifs européens clairs – et contraignants – pourraient compenser en partie la faiblesse des politiques françaises.

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DES PROBLÈMES SYMÉTRIQUES MAIS PEU DISCUTÉS

Ainsi que cela a déjà été évoqué en première partie de cet article, la France et l’Allemagne font face à des défis communs dans la réalisation de leurs projets de transition énergétique. La démarche comparative paraît alors particulièrement pertinente pour identifier les blocages et les meilleures pratiques et, plus généralement, les potentiels de coopération concernant la transition énergétique.

Un premier élément concerne la dimension sociale de la transition énergétique : cette dernière doit en effet, à court terme, faciliter l’accès à l’énergie – notamment pour les plus précaires – dans un contexte d’augmentation des prix des énergies. Si la question de la précarité énergétique a tendance à encourager une focalisation sur les prix, il est intéressant de constater que les approches des pays divergent sensiblement. En effet, si l’approche par les prix (tarifs sociaux en particulier) peut avoir un impact perceptible à court terme, il y a aujourd’hui un consensus sur le risque de générer des effets pervers : en diminuant le signal-prix, la consommation peut augmenter, induisant de fait une plus grande dépendance et une plus grande vulnérabilité face aux hausses à venir. À l’inverse, une approche plus structurelle, qui viserait à diminuer la vulnérabilité en baissant durablement les consommations (par des équipements et logements plus efficaces), paraît plus pertinente à moyen et long termes, mais ne répond pas aux situations d’urgence immédiate (23).

La différence importante entre prix de l’énergie et facture énergétique peut être illustrée à travers la comparaison de la France et de l’Allemagne. En effet, malgré un niveau de prix sensiblement supérieur en Allemagne – pour l’électricité en particulier –, l’effort énergétique des ménages – la part du budget consacrée à l’énergie – reste très similaire (24). En parallèle, des analyses ont montré que, à niveau de vie égal, les ménages allemands consomment en moyenne 30% d’électricité spécifique (25) en moins que leurs homologues français, illustrant la pertinence d’un signal-prix reflétant au mieux le coût réel de l’énergie – en incluant les externalités environnementales (26). En effet, si les tarifs sociaux restent un élément important du modèle de « service public » de l’énergie français, la réflexion a été lancée sur des dispositifs alternatifs, permettant de réduire durablement la consommation tout en répondant aux préoccupations économiques à court terme. Une première alternative, comparable à celle pratiquée en Allemagne, consiste alors à maintenir le signal-prix sur l’énergie tout en intégrant une enveloppe correspondante dans les aides sociales. Cela permet en théorie de donner au ménage le choix d’allouer ce budget à l’investissement dans des équipements plus efficaces ou au paiement de sa facture courante. On peut noter par ailleurs que le dispositif de « chèque énergie » prévue dans la loi de transition énergétique française devrait en théorie ouvrir cette même possibilité de choix. Enfin, les deux pays affichent des stratégies de soutien à la rénovation énergétique pour les ménages précaires, mais pour l’instant en deçà des attentes (27). De manière générale, on constate l’absence, à ce stade, d’une stratégie à long terme visant à former un programme cohérent de lutte contre la précarité énergétique dans les deux pays.

Un deuxième aspect structurel concerne l’intégration des problématiques de maîtrise de la demande énergétique dans les stratégies nationales. En effet, si les deux pays affichent des objectifs ambitieux à moyen et long termes, leur réalisation n’est aujourd’hui pas garantie et les outils de mise en œuvre restent insuffisants. Ainsi, au-delà du consensus rhétorique sur l’importance de l’efficacité énergétique sur le plan environnemental, économique et social, force est de constater que les débats politiques se focalisent essentiellement sur la question électrique et plus particulièrement sur celle du nucléaire. Un seul chiffre permet de constater cet écart en Allemagne : actuellement, plus de 20 milliards d’euros par an sont payés par les consommateurs pour le soutien aux énergies renouvelables électriques, alors que, en parallèle, l’efficacité énergétique bénéfice uniquement de quelque 2 milliards d’euros ! Bien que l’écart financier entre les politiques en faveur de l’efficacité et celles dédiées aux énergies renouvelables est moins important en France en raison du faible développement des énergies renouvelables, les dispositifs mis en place restent pour l’instant très loin des objectifs affichés : face aux 500 000 rénovations annuelles atteignant un niveau de performance « bâtiment basse consommation » prévus dans la loi, on compte en moyenne à ce jour quelque 14 500 demandes de labélisation depuis 2009 (28). Enfin, alors que les deux pays affichent des objectifs de maîtrise de la demande parmi les plus ambitieux du monde, il paraît étonnant qu’ils n’aient d’aucune manière essayé de défendre un objectif véritablement ambitieux en matière d’efficacité énergétique pour la stratégie européenne 2030 (29).

Troisième élément, la question du financement de la transition énergétique est centrale pour les deux pays. Selon les travaux issus du débat national sur la transition énergétique, ce sont entre 10 et 30 milliards d’euros additionnels que la France devrait investir chaque année pour mener à bien sa transition énergétique (30). Au-delà du défi lié à la mobilisation d’un tel volume de financement, la question du coût du capital est primordiale, en raison de la durée de vie (20 ans en moyenne) et de l’important investissement initial que requièrent les projets en matière d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique (31).

Un autre aspect concerne la gouvernance des circuits de financement : comment assurer l’intermédiation entre les investisseurs institutionnels et les projets territoriaux de manière efficace ? Comment s’assurer que tous les acteurs (ménages, petites et grandes entreprises, collectivités) puissent accéder à des sources de financement attractives ? Et comment faire en sorte que les investissements dans cette transition soient l’œuvre de tous au lieu de renforcer l’écart entre les plus riches et les plus pauvres ?

Fait intéressant, la référence au cas allemand a été très présente dans le débat français sur le financement, notamment en ce qui concerne le rôle central joué par la banque publique Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW) dans le financement du tournant allemand. Bénéficiant d’une garantie publique de l’Etat fédéral et d’une expérience construite depuis la reconstruction d’après guerre, cet établissement est rapidement devenu le bras armé financier des politiques publiques, soutenant tout aussi bien les collectivités, les entreprises et les ménages. Ainsi, la KfW capte près de 80 milliards d’euros par an sur les marchés financiers internationaux pour les transformer en prêts à long terme à taux préférentiel (compris entre 0,1 et 3% en général), dont près de la moitié sont affectés à des projets de développement durable en Allemagne et dans des pays tiers. Si le Débat national sur la transition énergétique a bien insisté dans sa synthèse sur la « nécessité de se doter d’une KfW à la française », peu d’efforts ont été réalisés en ce sens depuis. On peut certes observer une multiplication d’initiatives sectorielles, mais aucune stratégie globale de financement n’a été définie pour l’instant, comme en atteste également le recul du gouvernement actuel en matière de fiscalité écologique.

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FAUT-IL « EUROPÉANISER » LES TRANSITIONS ALLEMANDE ET FRANÇAISE ?

Plusieurs études et prises de parole récentes font état des risques que la restructuration de l’offre énergétique allemande fait peser sur le système électrique européen (32). Des appels à une nécessaire « européanisation » du tournant énergétique allemand ont alors été formulés, y compris en Allemagne (33). Parallèlement, la Commission a récemment émis des doutes sur la compatibilité du système de tarif de rachat avec la législation européenne sur la concurrence et exhorté l’Allemagne à se mettre en conformité avec le droit européen. Ces deux éléments – les répercussions européennes de la décision allemande et les contraintes européennes s’appliquant au choix souverain de l’Allemagne – posent la question plus générale de la coordination, au niveau européen, des décisions des États membres en matière énergétique et de la possibilité d’une politique énergétique européenne.

L’Allemagne a été exportatrice nette d’électricité vers ses voisins durant les années 2000, avec un solde net important de 19,8 TWh en 2006, 22,4 TWh en 2008 et 17 TWh en 2010 (34). La crainte d’un effondrement des exportations allemandes et des effets déstabilisateurs qui en résulteraient pour le système européen a été exprimée lors du choix de sortie accélérée du nucléaire. Cet effondrement n’a pas eu lieu : au contraire, depuis 2012, l’Allemagne exporte plus de courant que jamais auparavant. Particulièrement vives en France, vers laquelle l’Allemagne a exporté de l’électricité durant toute la deuxième partie des années 2000, ces craintes font apparaître un autre problème, dû à la politique du « tout électrique » français, qui a conduit à une situation où un parc nucléaire peu flexible fait face à des variations du pic de la demande de l’ordre de 40% entre l’hiver et l’été (35). On se rappellera la vague de froid de février 2012, qui a été à l’origine de records de consommation successifs en France les soirs des 7, 8 et 9 février : le pic de la demande a été de 102 GW, soit une augmentation de 30% de la consommation maximale en 10 ans, provoquant des risques de « black-out » en Bretagne, dans le Var et dans les Alpes-Maritimes. Pendant toute cette période de froid exceptionnel, l’Allemagne a pu profiter d’une forte disponibilité du photovoltaïque et de l’éolien et fait appel à ses capacités de production de réserve (thermique à combustible fossile) pour combler les besoins de son voisin (36). Toutefois, la disponibilité de l’électricité renouvelable dans les moments de forte demande ne va pas de soi et les risques de déstabilisation du système énergétique européen sont bien réels. On peut citer en exemple le conflit diplomatique qui a opposé l’Allemagne à ses voisins de l’Est (Pologne, République tchèque) en périodes de forte production éolienne au nord de l’Allemagne (37).

Si le tournant énergétique allemand n’est donc pas la seule source d’instabilités au niveau européen – les questions de pic de la demande en sont une autre –, il met à nu les insuffisances du système européen, surtout dans l’optique où les défis qui sont aujourd’hui visibles en Allemagne se présenteront rapidement à l’échelle de l’Europe tout entière : selon des études d’impact publiées par la Commission européenne en janvier 2014, la part des énergies renouvelables dans l’électricité devrait ainsi atteindre entre 45 et 67% à l’horizon 2030 à l’échelle de l’Europe des Vingt-Huit (38). Il y a donc une grande urgence à penser à la manière dont on pourra renforcer la compatibilité et la coordination entre systèmes nationaux, non pas en raison du seul tournant énergétique allemand, mais de la transformation structurelle du marché électrique européen dans son ensemble.

Cet exemple permet de mieux saisir les enjeux d’une politique européenne de l’énergie : il s’agit de coordonner les politiques afin de contenir à la fois les problèmes liés à la fluctuation de la demande, comme c’est le cas en France, et ceux, nouveaux, de la fluctuation de l’offre, comme c’est le cas en Allemagne, mais aussi en Espagne, au Portugal et au Danemark, pays où les renouvelables occupent une place plus importante encore qu’Outre-Rhin. L’essor rapide des énergies renouvelables accroît les besoins de coordination en Europe, notamment aux heures de forte production éolienne ou solaire, qui risquent de déstabiliser les réseaux européens. En outre, c’est aujourd’hui sur le plan économique que les déséquilibres semblent encore plus importants : rémunérée en dehors du marché, l’électricité renouvelable intègre le marché de gros à un prix quasi nul et peut sensiblement modifier l’ordre de mérite (39) – et la rentabilité – des centrales conventionnelles (40). Si la décision du tournant allemand a été prise sans consultation des partenaires européens, l’Allemagne a pourtant besoin de ses voisins pour équilibrer les fluctuations sur son territoire et maîtriser les coûts de sa transition. Trois points semblent particulièrement importants : une meilleure interconnexion entre les réseaux pour mieux exploiter les complémentarités, à la fois entre les différents types de production d’origine renouvelable et énergies fossiles ; une politique commune pour optimiser l’utilisation des capacités de stockage existantes, en premier lieu les centrales hydroélectriques à pompage-turbinage ; et la mise à disposition de capacités de production « de réserve » pour les périodes où les énergies renouvelables ne fournissent que peu d’énergie, afin de garantir la stabilité du réseau à moindre coût (41).

La question de la conformité du système de soutien aux énergies renouvelables allemandes EEG avec le droit européen a donné lieu à de très vifs débats opposant le gouvernement allemand et le Commissaire européen à la concurrence, Joaquín Almunia. Lors de la récente réforme de la loi sur les énergies renouvelables (EEG), plusieurs points ont été critiqués par Bruxelles, parmi lesquels les questions de savoir : 1) si le tarif de rachat s’apparente à une subvention ; 2) si les exonérations de la surcharge EEG-Umlage (42) accordées à l’industrie allemande constituent des distorsions de concurrence ; et 3) si l’électricité renouvelable produite à l’étranger et exportée vers l’Allemagne devait bénéficier du tarif d’achat allemand – ou au moins d’une exonération de la surcharge EEG-Umlage. Chacune de ces questions met directement en danger les fondements mêmes du tournant énergétique allemand et constitue de fait une ligne rouge pour le gouvernement allemand. La réforme en cours a apporté des réponses à plusieurs questions et des négociations serrées entre Bruxelles et Berlin ont contribué à en clarifier d’autres. Cependant, l’impression générale laissée par ces débats en Allemagne est que l’Europe, qui s’est elle-même fixé des objectifs ambitieux en matière de renouvelables, met des bâtons dans les roues de l’Energiewende sous prétexte d’une application aveugle des principes du libre marché. Or on voit mal comment l’Europe pourrait atteindre ses propres objectifs uniquement « par le marché » et sans politiques de soutien. Alors que l’Allemagne a atteint ou dépassé ses objectifs européens en termes de renouvelables et de réduction des émissions – elle est toutefois en retard sur son objectif national de 40% de réductions de gaz à effet de serre jusqu’en 2020 –, la situation au niveau européen est plus complexe, avec plusieurs pays en retard sur leurs objectifs – dont la France, qui doit atteindre 23% de renouvelables dans l’énergie finale d’ici 2020 – et un marché du carbone en crise. Cela pose à nouveaux frais la question de l’articulation entre le niveau national et le niveau européen dans les politiques énergétiques.

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LA ROUTE DIFFICILE VERS UNE EUROPE DE L’ÉNERGIE

Les tournants énergétiques allemands et français, mais aussi des événements et facteurs externes comme la crise ukrainienne, le réchauffement climatique et les bouleversements récents sur l’échiquier de la géopolitique de l’énergie (essor des gaz et huiles de schiste, catastrophe de Fukushima, besoins énergétiques des économies émergentes, etc.) font apparaître la nécessité d’une coordination des choix énergétiques au niveau européen. Dans ce sens, Donald Tusk, ancien Premier ministre polonais et nouveau Président du Conseil européen, a récemment proposé la création d’une Union énergétique européenne. Soutenue par le président français François Hollande (43), cette proposition a été faite sous la pression de la crise ukrainienne, puisque la dépendance vis-à-vis du gaz russe réduit drastiquement les marges de manœuvre des pays européens. Cependant, la proposition de Tusk a été critiquée comme mettant l’accent sur les seules questions de dépendance et de sécurité énergétiques, au détriment des enjeux climatiques ; elle a donc été fraîchement accueillie par les organisations écologiques. De sérieuses réserves quant à la faisabilité politique d’une telle démarche ont aussi été formulées, puisque nombre de pays continuent à considérer la sécurité d’approvisionnement comme relevant de la souveraineté nationale, et comme trop importante pour être mise entre les mains de bureaucrates européens. Toutefois, la proposition a le mérite de connecter trois dossiers (celui de la dépendance énergétique, celui de la solidarité européenne en matière d’énergie et celui d’une politique climatique commune) qui sont souvent discutés séparément, y compris au niveau européen. Et l’engagement polonais pour la création d’une Union de l’énergie qui succéderait à la Communauté européenne du charbon et de l’acier de 1954 représente une occasion à saisir pour définir un nouveau projet commun pour une Europe empêtrée dans une crise économique transformée en crise des dettes souveraines et confrontée à une crise démocratique et institutionnelle qui a favorisé la résurgence des forces nationalistes et europhobes (poussée de l’extrême droite aux élections européennes de 2014, possible référendum sur la sortie du Royaume-Uni).

Pour qu’un tel projet d’Europe de l’énergie ait une chance de réussir, il doit trouver des réponses à quatre questions prioritaires : celle de la sécurité énergétique et d’une solidarité en temps de crise ; celle d’un nouveau contrat social pour la transition ; celle de l’investissement et celle d’un nouveau modèle pour le marché énergétique européen.

La proposition de Tusk apporte une réponse à la première de ces questions : l’ancien Premier ministre polonais propose de bâtir l’Union énergétique sur le modèle de l’Union bancaire, avec une centrale européenne pour les achats de gaz, une volonté de diversification des États fournisseurs et un mécanisme de solidarité en cas de crise. Si certains ont fait remarquer qu’il n’était pas évident que la proposition polonaise soit conforme aux règles du commerce international et de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), de telles critiques purement formelles ne sauraient disqualifier une proposition qui vise surtout à éviter que se reproduisent des situations qui divisent les Européens, comme c’était le cas, par exemple, lors de la construction du pipeline North Stream contournant la Pologne et promu par l’ancien chancelier allemand Gerhard Schröder.

Les débats actuels en Allemagne sur la répartition des coûts de l’Energiewende, en particulier sur l’exonération des entreprises et la lutte contre la précarité énergétique, montrent l’importance de la deuxième question relative à un nouveau contrat social pour soutenir la transformation des systèmes énergétiques européens. Il s’agit autant de lutter contre la pauvreté énergétique que de forger une vision positive de la transformation à travers l’appropriation citoyenne et locale, deux impératifs pour qu’un tel projet puisse jouir d’un soutien populaire dans la durée. Souvent sous-estimée dans la discussion, cette question d’une répartition juste et équitable des coûts et des bénéfices de la transformation des systèmes énergétiques et productifs doit être au centre du projet européen.

Vient ensuite la question du financement, à la fois complexe et urgente. Complexe, parce qu’il s’agit de stimuler l’investissement dans les technologies énergétiques « vertes » dans une période de contraintes budgétaires fortes. L’exemple allemand montre – à travers le rôle de la banque publique KfW et de l’investissement citoyen dans les renouvelables – que des solutions existent au niveau national. Qu’en est-il au niveau européen ? Plusieurs propositions circulent quant à la façon de stimuler un tel investissement dans la transformation des systèmes énergétiques européens. La plus significative nous semble être celle proposée par Michel Aglietta et Jean-Charles Hourcade dans un article récent (44) : les auteurs plaident en faveur d’une solution qui contournerait le problème du manque de liquidités et lierait politiques de relance économique et politiques environnementales. Ils proposent un système basé sur une nouvelle forme d’actifs, des « actifs carbone », émis par la Banque centrale européenne et dont la valeur serait déterminée par les Etats ; ces actifs serviraient ensuite de garantie pour l’émission d’« eurobonds verts » pour financer à des taux avantageux des projets d’infrastructure bas carbone. Ce système – ou d’autres propositions analogues – vise non pas à mobiliser le budget d’États subissant déjà une pression visant à la réduction de leurs dettes, mais à réorienter l’épargne disponible vers des projets profitables à moyen et long termes plutôt que de se focaliser sur le court-terme et sur les solutions « en fin de tuyaux », prédominante actuellement. Il est en effet urgent de trouver des leviers pour financer de tels investissements, puisque les systèmes énergétiques présentent des dépendances au sentier très importants, que la plupart des centrales nucléaires européennes approchent de leur fin de vie dans un futur plus ou moins proche et que les centrales thermiques des pays de l’ancien bloc soviétique devront bientôt être renouvelées ou remplacées (45). Il y a là une fenêtre d’opportunité importante si l’Europe veut empêcher un « lock-in » dans les technologies fossiles pour les décennies à venir.

Enfin, la question de l’équilibre entre interventions publiques et libre-marché doit être reposée à l’échelle européenne. Dépourvue d’une compétence propre en matière de politique énergétique, l’intervention de l’Europe dans ce domaine s’est historiquement structurée autour de deux volets : d’une part, la politique environnementale en lien avec la lutte contre le changement climatique et, d’autre part, la politique du marché unique, articulée autour de l’intégration des marchés de l’électricité et du gaz. Cependant, cette approche dualiste commence à montrer ses limites, comme l’illustre la fragilité actuelle du marché européen de l’électricité. Si celle-là est avant tout due à des facteurs conjoncturels et exogènes (comme la crise économique ou encore l’évolution des prix du gaz et du charbon à l’international), la politique européenne en matière d’énergies renouvelables et du marché du carbone a pu effectivement renforcer certains déséquilibres plutôt que de les corriger. Or, plutôt que d’opposer ces deux volets, il s’agit aujourd’hui de renforcer leurs synergies. Face aux blocages politiques actuels et à la défense du marché libéralisé, il convient ainsi de clarifier, comme le fait la Commission elle-même, que le « marché intérieur de l’électricité en Europe n’est pas une fin en soi » (46). Il apparaît au contraire nécessaire de restructurer le fonctionnement de ce marché en fonction des défis auxquels l’Europe devra faire face dans le cadre de la transition énergétique. Cela implique en premier lieu de repenser l’objectif même de ce marché : si la priorité de l’optimisation de la production en fonction des coûts marginaux à court terme a constitué une priorité pertinente dans les années 1990, c’est la flexibilité du système du côté de l’offre (centrales thermiques en appui des énergies renouvelables) et de la demande (gestion active de la consommation) qui représente désormais l’enjeu déterminant. Cela veut également dire qu’il faut trouver une solution pertinente pour refléter les coûts réels de l’électricité renouvelable sur le marché, sans pour autant succomber à l’idéal de la concurrence pure et parfaite, illusoire dans un marché qui n’intègre pas toutes les externalités.

L’Europe constitue à plusieurs égards un modèle en termes de pacification, de coopération régionale et d’intégration économique. Récompensée par le prix Nobel de la paix en 2012, elle a brillamment réussi le pari de ses pères fondateurs, au point qu’elle est imitée en Asie (tentatives de réconciliation des deux Corées, zone économique des pays de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est ou ASEAN) et en Amérique (Accord de libre-échange nord-américain ou AELA et Marché commun de l’Amérique du Sud ou MERCOSUR). Confrontée à la lassitude et l’incompréhension, voire à la défiance d’une partie de sa population, elle doit aujourd’hui trouver un nouveau souffle. La transition vers une Europe de l’énergie sobre en carbone et respectueuse de l’environnement, mais qui réduit aussi sa dépendance énergétique et la facture énergétique de ses citoyens et des entreprises peut constituer un nouveau grand projet pour l’Europe. Cela, d’autant plus que l’énergie est un enjeu historique de la construction européenne et que l’engagement en faveur du développement durable a constitué un facteur qui a déterminé l’identité internationale de l’Europe (47). Les transitions énergétiques en cours en France et en Allemagne, au lieu de constituer des freins à la formulation d’une politique énergétique commune, devraient aujourd’hui être le moteur d’une telle transformation de l’Europe en Europe de l’énergie.

Andreas Rüdinger (*) & Stefan C. Aykut (**)

(*) Chercheur au département des politiques de l’énergie et du climat à l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI, France).
(**) Chercheur au LISIS (Université Paris Est – Marne-la-Vallée, France) et au Centre Marc Bloch (Berlin, Allemagne).

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Notes

(1) F. Krause et al., Energie-Wende : Wachstum und Wohlstand ohne Erdöl und Uran. Ein Alternativ-Bericht des Öko-Instituts, Fischer, Frankfurt am Main, 1980. Pour une analyse historique, cf. Stefan C. Aykut, « Energy futures from the social market economy to the Energiewende : the politicization of West German energy debates, 1950-1990 », in J. Anderss on / E. Rindzevičiūtė (dir.), The Struggle for the Long Term in Transnational Science and Politics : Forging the Future, Routledge (Cultural History Series), 2014.

(2) H. Düngen, « Zwei Dekaden deutscher Energie- und Umweltpolitik : Leitbilder, Prinzipien und Konzepte », in J. Hohensee / M. Salewsk i (dir.), Energie-Politik-Geschichte : nationale und internationale Energiepolitik seit 1945, Franz Steiner Verlag, Stuttgart, 1993.

(3) Il faudra attendre 2007 pour la définition de l’objectif climat pour 2020 (-40% de gaz à effet de serre). Les objectifs de développement sur les énergies renouvelables ont été ajustés à chaque révision de la loi sur les énergies renouvelables, mais ce n’est qu’avec l’Energiekonzept de 2010 que sont définis des objectifs pour 2030 et 2050, de même que sur l’efficacité énergétique.

(4) A titre d’exemple, la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique de 2005 introduit l’objectif d’une réduction de 75% des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050, de même que des objectifs d’amélioration de l’intensité énergétique jusqu’en 2030, complété par différents objectifs issus des deux lois Grenelle (2009 et 2010) et de la transposition des objectifs du Paquet « Énergie-climat » européen de 2008.

(5) En France, les investissements additionnels requis pour la transition énergétique ont été évalués entre 10 et 30 milliards d’euros par an. Les quatre trajectoires évaluées pendant le récent débat national sur la transition énergétique affichent un bénéfice net en 2030 et 2050 (entre 300 et 1 000 milliards d’euros), dû à la réduction de la facture énergétique. Cf. le Rapport du groupe de travail 4 du DNTE, Quels coûts, quels bénéfices et quel financement de la transition énergétique ?, 2013.

(6) Cf. Ministère fédéral allemand de l’Économie et de l’Énergie, Entwicklungen von Energiepreisen und Preisindizes zu nominalen Preisen Deutschland, 2014.

(7) Cf. N. Poize / A. Rüdinger, Projets citoyens pour la production d’énergie renouvelable : une comparaison France-Allemagne, IDDRI (Working Paper n° 01/2014), Paris, 2014.

(8) Ce qui signifie que l’objectif français doit nécessairement être atteint par des réductions fortes sur les usages finaux, tandis que, en Allemagne, le gain d’efficacité au niveau de la production d’électricité (substitution d’énergies fossiles à faible rendement par des énergies renouvelables) contribuera fortement à l’objectif.

(9) Toutes choses égales par ailleurs, partant du niveau de production d’électricité nucléaire de 2012 (405 TWh), la réduction de la part du nucléaire de 75 à 50% équivaut à une réduction de 134 TWh.

(10) La dernière autorisation date de 1982 et le dernier réacteur est mis en service en 1989. Ce succès est obtenu principalement par la voie juridique. Cf. P. Wagner, « De la ‘scientification’ de la politique à la pluralisation de l’expertise. Expertise en sciences sociales et régulation des conflits sociaux en RFA », in P. Fritsch (dir.), Actes de la table ronde organisée par le CRESAL, Saint-Etienne, 14-15 mars 1985, pp. 273-318.

(11) La réforme de la loi sur l’atome du 30 juin 2011 a été approuvée avec 83% des voix au Bundestag. Elle a rassemblé quatre des cinq grands partis autour de la sortie du nucléaire – la gauche radicale Die Linke souhaitait une sortie plus rapide.

(12) J. Roose, « Der endlose Streit um die Atomenergie. Konfliktsoziologische Untersuchung einer dauerhaften Auseinandersetzung », in P. H. Feindt / T. Saretzki (dir.), Umwelt- und Technikkonflikte, Verlag für Sozialwissenschaften, Wiesbaden, 2010, pp. 79-103.

(13) La décision de Siemens de se séparer de ses activités nucléaires doit être vue dans ce contexte.

(14) À propos de la difficulté de modéliser l’effet marginal de la sortie accélérée sans prendre en compte son effet politique, cf. A. Rüdinger, L’impact de la sortie du nucléaire sur le tournant énergétique allemand, IDDRI, Paris, 2012.

(15) A. Evrard, « Après Fukushima, quelle évolution des politiques énergétiques en Allemagne et en France ? », Annuaire français des relations internationales, vol. XIV, 2013, pp. 357-369.

(16) Cf. dans ce sens Claude Allègre dans L’Express, 17 mars 2011.

(17) Notamment par Marcel Boiteux, président historique d’EDF. Cf. E. Mühlenhover, L’Environnement en politique étrangère, L’Harmattan, Paris, 2003, p. 143.

(18) Ministère fédéral allemand de l‘Environnement, Leitstudie 2010. Langfristszenarien und Strategien für den Ausbau der erneuerbaren Energien in Deutschland bei Berücksichtigung der Entwicklung in Europa und global, Arbeitsgemeinschaft DLR / Institut für Technische Thermodynamik / IWES / IFNE, 2010. L’étude a été actualisée en 2011, afin de prendre en compte la décision de prolongation, sans changements majeurs au niveau des objectifs.

(19) L’augmentation des exportations de charbon indonésiennes, américaines et australiennes ont eu comme effet une chute des prix du charbon. Parallèlement, la catastrophe de Fukushima a fait exploser la demande de gaz du Japon. Faute d’infrastructures américaines pour l’exportation du gaz de schiste, cette demande accrue n’a pas pu être compensée. Cf. A. Rüdinger et al., Getting out of the perfect storm : towards coherence between electricity market policies and EU climate and energy goals, IDDRI, Paris, 2014.

(20) En France, l’utilisation du charbon pour la production d’électricité a connu un bond de 79% entre septembre 2011 et 2012.

(21) Cour des comptes, La Mise en oeuvre par la France du Paquet énergie-climat, Cour des comptes, Paris, 2013.

(22) S. C. Aykut, Ohne Aufwind. Erneuerbare Energien in Frankreich, Deutsche Gesellschaft für Auswärtige Politik, Berlin, 2013.

(23) Pour une analyse comparative plus détaillée des politiques de lutte contre la précarité énergétique, cf. L. Chancel, « Précarité énergétique : le débat français à la lumière des exemples européens », Cahiers Global Chance, n° 35, 2014.

(24) Selon les données Eurostat, l’effort énergétique des ménages en 2012 s’établit à 4,2% pour la France et 4,8% pour l’Allemagne (hors carburant/transports). Les statistiques officielles donnent une facture énergétique moyenne des ménages (hors carburant/transports) de 1 932 € en Allemagne et de 1 800 € en France, en hausse de respectivement 1 629 € et 1 500 € en 2011. Cf. Ministère fédéral allemand de l’Économie, Energiedaten Deutschland, Bundesministerium für Wirtschaft und Energie, Berlin, 2014 ; Ministère français de l’Écologie, du Développement durable et de l’Environnement, Bilan énergétique pour la France pour 2013, Commissariat général au développement durable (Service de l’observation et des statistiques), 2014.

(25) Électricité utilisée pour les services qui ne peuvent être rendus que par l’électricité. Cette définition n’inclut donc pas le chauffage.

(26) Sowatt/Enerdata, « French higher domestic specific electricity consumption compared to Germany : Explanatory Factors Assessment », Rapport pour l’ADEME, 2012.

(27) Le programme « Habiter Mieux » de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) en France. En Allemagne, ce sont essentiellement les collectivités et agences de l’énergie locales qui gèrent les programmes de lutte contre la précarité énergétique, en lien avec les soutiens globaux à la rénovation énergétique proposés à l’échelle nationale (programme KfW).

(28) Pour une analyse détaillée des politiques de rénovation énergétique en France et en Allemagne, cf. A. Rüdinger, « La rénovation thermique des bâtiments en France et en Allemagne : quels enseignements pour le débat sur la transition énergétique ?, Iddri (Working Papers, n° 07/2013), 2013.

(29) Lors du conseil européen des 23 et 24 octobre 2014, les Etats membres n’ont retenu qu’un objectif d’efficacité énergétique « indicatif » de -27% à l’horizon 2030 par rapport à un scénario tendanciel.

(30) Rapport du groupe de travail 4 du Débat national sur la transition énergétique (DNTE), « Quels coûts, quels bénéfices et quel financement de la transition énergétique ? », 2013.

(31) L’importance du coût du capital peut être illustrée à travers l’exemple suivant : pour un prêt de 100 000 € remboursable sur 20 ans, le coût cumulé des intérêts représente 21% du principal à un taux de 2%, 53% à un taux de 5% et plus de 105% à un taux de 10%, ce qui ferait doubler le coût global du projet.

(32) H. Védrine, « La décision de l’Allemagne sur le nucléaire perturbe la France », Les Échos, 6 déc. 2011 ; Centre d’analyse stratégique, La transition énergétique allemande est-elle soutenable ?, Paris, 2012.

(33) J. Weimann, « Atomausstieg und Energiewende : wie sinnvoll ist der deutsche Alleingang ? », Energiewirtschaftliche Tagesfragen, vol. LXII, n° 12, 2012, pp. 34-38 ; S. Fischer / O. Geden, Die deutsche Energiewende europäisch denken, Stiftung Wissenschaft und Politik, Berlin, 2011.

(34) Données du Ministère fédéral allemand de l’Economie (BMWi), Energiedaten Deutschland, op. cit.

(35) Réseau de transport électricité (RTE), Bilan électrique 2011, 2012.

(36) RTE, La Vague de froid de février 2012, 2012.

(37) THEMA, Loop Flows – Final Advice, Rapport pour la Commission européenne, oct. 2013.

(38) European Commission, Impact Assessment. A Policy Framework for Climate and Energy in the Period from 2020 up to 2030, Rapport SWD 15final, 2014, p. 73.

(39) L’ordre de mérite, meritorder en anglais, indique l’ordre dans lequel l’électricité est achetée aux centrales sur le marché, en commençant par la centrale la moins chère.

(40) A. Rüdinger et al., « Getting out of the perfect storm », op. cit.

(41) Le recours accru aux énergies renouvelables fait baisser les prix de marché du kWh – ceux de l’Allemagne sont aujourd’hui les plus bas d’Europe – et réduit les taux de fonctionnement des centrales thermiques (priorité de réseau pour les renouvelables). Dans ces conditions, l’Allemagne paie pour le maintien de certaines centrales fossiles devenues non rentables. La question de savoir si elle devrait faire de même au niveau européen reste ouverte et hautement controversée.

(42) Cette surcharge s’ajoute au prix de l’électricité payé par les consommateurs finaux. Elle sert à financer les renouvelables.

(43) Cf. « Paris et Varsovie veulent une ‘communauté européenne de l’énergie’ », Le Point, 24 avr. 2014.

(44) M. Aglietta / J.-C. Hourcade, « Can indebted Europe afford climate policy ? Can it bail out its debt without climate policy ? », Intereconomics, n° 3, 2012, pp. 159-164.

(45) En Pologne par exemple, 70% des centrales ont plus de 30 ans, 40% plus de 40 ans et 15% plus de 50 ans. Cf. Polish Information and Foreign Investment Agency, Energy Sector in Poland, 2012, disponible sur le site Internet www.paiz.gov.pl/files/?id_plik=19610.

(46) Commission européenne, Réaliser le marché intérieur de l’électricité et tirer le meilleur parti de l’intervention publique, C(2013) 7243 final, 2013, p. 2.

(47) S. Baker, « Sustainable development as symbolic commitment : declaratory politics and the seductive appeal of ecological modernisation in the European Union », Environmental Politics, vol. XVI, n° 2, 2007, pp. 297-317.

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pour aller plus loin...
CHANGER DE PARADIGME | LES DOSSIERS DE GLOBAL-CHANCE.ORG

Changer de paradigme...


Énergie, Environnement, Développement, Démocratie : changer de paradigme pour résoudre la quadrature du cercle (Manifeste publié en ligne le 1er mai 2014)

Les Dossiers de Global-Chance.org

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