Électricité, gaz, eau : les petits consommateurs enfin avantagés

, par   Hélène Gassin

Héritage des années 70, la tarification actuelle de l’électricité favorise et encourage les gros consommateurs. La mise en place rapide d’une tarification progressive, applicable à tous les abonnés quel que soit leur fournisseur, permettrait au contraire de promouvoir la sobriété et l’efficacité énergétiques, piliers incontournables de la transition énergétique. Mais l’enjeu est aussi social : une tarification progressive permettra l’accès facilité des ménages les plus modestes à l’énergie et la stabilisation de leurs factures malgré l’augmentation des prix. Reste que la tarification progressive ne règlera pas à elle-seule le problème de la précarité énergétique, qui ne pourra être vaincue que par la mobilisation d’autres mécanismes, comme un “bouclier énergie”, une politique volontariste de rénovation des passoires énergétiques, et surtout une plus grande redistribution des richesses.

Jean-Philippe Magnen, Hélène Gassin, Denis Baupin et Thomas Matagne, LePlus du NouvelObs.com, mercredi 5 septembre 2012

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Introduction par LePlus du NouvelObs.com
Tribune publiée par les quatre représentants d’EELV
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introduction

Actuellement, ceux qui consomment le plus d’énergie la paient moins cher. La mise en place d’une tarification progressive de l’énergie était une promesse de campagne de François Hollande. Une mesure qui devrait réduire les prix pour les consommateurs modestes et amener à une utilisation plus raisonnée, selon Jean-Philippe Magnen, Hélène Gassin, Denis Baupin et Thomas Matagne, représentants d’Europe Écologie - les Verts.

Mélissa Bounoua, LePlus du NouvelObs.com

électricité, gaz, eau : les petits consommateurs enfin avantagés

La tarification progressive de l’énergie arrive, et c’est une bonne nouvelle. La mise en œuvre rapide de la promesse de François Hollande, soutenue par l’ensemble des partis de gauche, peut en effet créer une véritable avancée pour la sobriété et l’équité sociale. Afin d’atteindre pleinement les résultats attendus, cette tarification doit être simple et rapidement applicable. Et surtout, elle doit s’intégrer dans d’autres chantiers plus vastes, indispensable à la réalisation d’une transition énergétique.

Réduire la facture

Rendre progressif le tarif, c’est réduire la facture pour les plus petits consommateurs et faire payer de plus en plus fortement les unités d’énergie correspondant à un usage non essentiel. Actuellement, la tarification de l’électricité est dégressive, ce qui signifie qu’un gros consommateur la paie moins cher, au kWh, qu’un petit consommateur. Cette tarification dite « marginaliste » est héritée des années 70 : consommer toujours plus d’énergie était alors synonyme de progrès social. Aujourd’hui, elle se heurte à la réalité de notre monde. D’une part la surconsommation de ressources limitées se fait au détriment de l’environnement, d’autre part nous entrons dans l’ère de l’énergie chère.

Le cas de l’électricité est symptomatique : l’obsolescence du parc nucléaire et les investissements de sûreté à réaliser à la suite de la catastrophe de Fukushima, l’incontournable rénovation des réseaux de distribution et le coût du développement avant maturité des énergies renouvelables suggèrent que l’augmentation globale des tarifs de l’électricité est inévitable. De même, le prix des énergies fossiles explose.

Le renforcement de l’efficacité et de la sobriété devient ainsi un objectif central et consensuel des politiques publiques pour des raisons économiques et environnementales aussi évidentes qu’urgentes. Cette évolution nous impose d’aller en toute transparence vers une meilleure répartition des charges entre les consommateurs modestes ou sobres et les autres.

Passer d’une tarification « marginaliste » à une tarification « progressive » est une véritable rupture qui marque le début d’un changement d’ère. La tarification progressive est en réalité l’amorce d’une nouvelle définition du “progrès” : protéger la planète en assurant un plus haut niveau de justice sociale.

Dans ce dossier très technique, jusqu’à présent resté opaque aux débats politiques, nos propositions visent à une mise en place rapide de nouvelles règles, dans le cadre des normes européennes actuelles. Il s’agit d’agir vite, concrètement et massivement. En théorie, un système parfait impliquerait de prendre en compte de nombreux paramètres difficiles à mesurer et à vérifier : état du bâti, type de consommation, type de chauffage, niveau de revenu, composition d’un ménage, etc.). A court terme, cette option nous semble difficile, voire impossible, à mettre en place et inutilement coûteuse.

Diminuer le montant de l’abonnement

Des solutions simples et justes peuvent être décidées immédiatement, en attendant que les dispositifs techniques (compteurs intelligents…) et statistiques (données de consommation des bâtiments…) nécessaires à un système complet de tarification progressive soient accessibles.

Ainsi, pour l’électricité, nous proposons en premier d’atténuer considérablement la dégressivité de la tarification en diminuant fortement le montant de l’abonnement pour les petites puissances (3kW et 6 kW), soit un renversement de la tendance à l’œuvre sous les gouvernements de Nicolas Sarkozy.

À l’inverse, l’abonnement pour les puissances supérieures à 9kW, clairement réservées aux usages de luxe et aux catégories aisées, doit être augmenté et la TVA y être appliquée à un taux normal, contrairement aux petites puissances qui bénéficient d’un taux réduit. Nous proposons également d’introduire la progressivité sur la part du kWh correspondant aux coûts de réseau (le « TURPE », tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité), comme c’est le cas en Italie.

On visera ainsi à répercuter la progressivité sur les tarifs de tous les fournisseurs d’énergie indépendamment de leurs offres commerciales et de leur caractère régulé ou dérégulé. Certaines catégories spécifiques – comme les personnes utilisant des équipements médicaux à domicile – devront être recensées et bénéficier d’aides. Par ailleurs, il va de soi que la tarification progressive doit être générale, sous peine de voir les gros consommateurs la fuir, ce qui aurait pour effet d’anéantir l’intérêt de la mesure et de mettre en péril son équilibre économique. Ces solutions peuvent être transposées plus ou moins directement pour le gaz et les réseaux de chaleur.

Décourager les consommations inutiles

L’objet de la tarification progressive est avant tout la sobriété, en décourageant les consommations inutiles tout en augmentant la rentabilité des investissements dans l’efficacité énergétique. La tarification progressive a un second effet social positif très clair : l’accès facilité des ménages les plus modestes à l’énergie et la stabilisation de leurs factures malgré l’augmentation des prix.

Elle introduit plus de justice entre tous les consommateurs. Mais ne nous leurrons pas sur les objectifs de cette mesure : la tarification progressive, ni d’ailleurs aucun autre système de tarification, ne règlera pas à elle-seule le problème de la précarité énergétique. Celle-ci ne pourra être vaincue que par la mobilisation d’autres mécanismes, comme un “bouclier énergie” (plus ambitieux que le système actuel des tarifs sociaux), une politique volontariste de rénovation des passoires énergétiques, et surtout une plus grande redistribution des richesses.

« Une tarification progressive de l’électricité et du gaz permettra le droit effectif de tous aux services énergétiques de base, tout en luttant contre les gaspillages (…) ». Ce point de l’accord EELV-PS est une première étape vers davantage de sobriété et d’équité dans l’utilisation de l’énergie. La réussite de cette réforme sera de bon augure pour entamer l’immense chantier de la transition énergétique.

Il reste cependant impératif d’engager d’autres réformes pour la reconversion écologique de nos sociétés : suppression des niches fiscales grises favorisant la consommation d’énergie, contribution climat-énergie, prise en main par les collectivités des politiques de distribution d’énergie et d’efficacité, concilier justice sociale et protection de la planète. Le début d’un autre progrès est possible, maintenant.

Jean-Philippe Magnen, porte-parole national d’Europe Ecologie - les Verts,
Hélène Gassin, vice-présidente de la région Ile-de-France à l’énergie, environnement, agriculture,
Denis Baupin, vice-Président de l’Assemblée nationale,
Thomas Matagne, responsable de la commission énergie d’Europe Ecologie - les Verts.

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à voir également sur le site de global chance

(si encadré : résumé au survol)

Publications

« La crise va aggraver les inégalités face à l’énergie »
Hélène Gassin, Mediapart, lundi 29 mars 2010

CO2 : la responsabilité des classes aisées
Benjamin Dessus, Politis, n°1139, jeudi 10 février 2011

Pour une remise à plat concertée et démocratique de nos modes de vie
Benjamin Dessus, Intervention dans le cadre du bicentenaire du corps des Mines, jeudi 23 septembre 2010

Dossiers thématiques

Fukushima : réactions en chaîne
(Tribunes, analyses, interviews, etc. : les réactions des membres de Global Chance face à la catastrophe nucléaire de Fukushima)

Nucléaire : par ici la sortie !
(Rapports, analyses, tribunes, interviews, etc. : les propositions de Global Chance et de ses membres pour, enfin, sortir du nucléaire)

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