Une révolution citoyenne et démocratique

, par  Andreas Andreas Rüdinger

La révolution énergétique en Allemagne s’accompagne d’un important phénomène d’appropriation citoyenne et locale : près de la moitié des capacités renouvelables électriques sont aujourd’hui possédées par des citoyens et des agriculteurs, le plus souvent regroupés sous forme de coopératives. Et les citoyens allemands, au total, ont investi près de 20 milliards d’euros de fonds propres, déclenchant 100 milliards d’euros de projets depuis 2000...

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Andreas Rüdinger : Une révolution citoyenne et démocratique
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Énergie “verte” ET réappropriation citoyenne du système énergétique...

UNE RÉVOLUTION CITOYENNE ET DÉMOCRATIQUE

Andreas Rüdinger, Alternatives Économiques, Dossier n°12, décembre 2017

La transition énergétique allemande se double d’une véritable révolution démocratique, via l’appropriation citoyenne des outils de production d’énergie renouvelable.


La révolution énergétique en Allemagne s’accompagne d’un important phénomène d’appropriation citoyenne et locale : près de la moitié des capacités renouvelables électriques sont aujourd’hui possédées par des citoyens et des agriculteurs, le plus souvent regroupés sous forme de coopératives. La part des grands énergéticiens reste, elle, mineure (7 %). Ce phénomène est d’autant plus notable qu’il concerne toutes les filières (éolien, solaire, biomasse) et qu’il ne se limite pas à des petits projets. La plus grande coopérative citoyenne regroupe 38 000 membres et fournit de l’électricité à 34 000 clients.

Un enjeu majeur

Au total, les citoyens allemands ont investi près de 20 milliards d’euros de fonds propres, déclenchant 100 milliards d’euros de projets depuis 2000. Cet essor du modèle coopératif s’explique par la confiance que lui accorde la population (25 % des Allemands sont membres d’une coopérative). Il bénéficie aussi d’un cadre réglementaire favorable, fondé - jusqu’à la réforme de 2014 - sur la stabilité des dispositifs de soutien aux énergies renouvelables et sur l’accès à des prêts préférentiels. Ce modèle est doublement vertueux : il est facilement accessible (l’investissement minimal est généralement de 100 euros) et il permet à chacun de participer à la gouvernance (principe de "un membre = une voix").

Cette dynamique de « l’énergie citoyenne » (Bürgerenergie) constitue un levier pour favoriser l’acceptation de la transition énergétique. Pourtant, les pouvoirs publics ne semblent pas toujours en mesurer l’importance. En témoigne l’évolution des dispositifs de soutien aux énergies renouvelables en Europe, qui remplace les tarifs d’achat garantis par une approche plus concurrentielle. Fondée sur les appels d’offres, celle-ci conduit finalement à favoriser les grands groupes au détriment des projets citoyens. Résultat : après un nombre record de créations en 2013 (130 nouvelles coopératives), la dynamique s’est essoufflée avec seulement 54 coopératives d’énergie créées en 2014 et 40 en 2015.

Une large appropriation citoyenne de la transition énergétique constitue pourtant un enjeu majeur. En effet, les projets d’énergie renouvelable ou de rénovation thermique des bâtiments impliquent de remplacer des coûts de fonctionnement courants (achat de combustibles par exemple) par des investissements rentables sur le long terme. En l’absence d’un vrai débat sur la justice sociale, la transition énergétique pourrait donc conduire à renforcer les inégalités en favorisant des "gagnants" de la transition, détenteurs de capital, porteurs des investissements rentables et destinataires des aides publiques, au détriment de "perdants", réduits à supporter les coûts et à subir une vulnérabilité énergétique croissante.

Face à ce défi de l’équité, les projets citoyens ne peuvent jamais constituer qu’un pan d’une approche plus globale, notamment en raison des difficultés à faire participer les ménages les plus modestes. Malgré tout, le cas allemand montre qu’il s’agit d’un levier puissant sur le plan de l’appropriation locale, à condition d’œuvrer à sa généralisation.

Andreas Rüdinger est chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri)

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Énergie, Environnement, Développement, Démocratie : changer de paradigme pour résoudre la quadrature du cercle (Manifeste publié en ligne le 1er mai 2014)

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