Un scénario de sortie de crise

, par   Hélène Gassin

Hélène Gassin (Association négaWatt [1])
Altermondes, n°10, « Climat : éviter le naufrage ! », juin-août 2007

En s’appuyant sur les principes de sobriété et d’efficacité ainsi que sur le développement des énergies renouvelables, l’association négaWatt propose un scénario pour sortir la France de la catastrophe annoncée.


L’augmentation des consommations d’énergie est présentée comme inéluctable et on l’associe souvent à l’idée même de « progrès ». Mais ce qui a pu sembler une évidence fait abstraction de deux problèmes majeurs et inéluctables : la raréfaction physique des matières premières (le pétrole et le gaz, mais aussi l’uranium) et les risques environnementaux et sanitaires (changements climatiques, mais aussi déchets nucléaires fortement toxiques et à très longue durée de vie).

Une démarche, trois piliers

Il existe aujourd’hui une alternative crédible : la démarche négaWatt. Elle repose sur trois piliers : la sobriété énergétique, l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables.
• La sobriété énergétique consiste à réduire les gaspillages par des comportements et des choix rationnels tant individuels que collectifs. Par exemple, il s’agit de profiter au maximum de la lumière naturelle pour s’éclairer, de bien régler la température de chauffage des locaux et de l’eau, de favoriser le covoiturage, de privilégier les aliments locaux de saison, etc.
• L’efficacité énergétique ensuite s’attaque aux pertes de fonctionnement. Le potentiel d’amélioration de nos bâtiments, de nos moyens de transport et des appareils que nous utilisons est en effet considérable : il est très souvent possible de réduire d’un facteur 2 à 5 nos consommations à l’aide de techniques déjà largement éprouvées.
• Enfin, et de façon complémentaire à ces deux actions, les énergies renouvelables bien réparties, décentralisées, ayant un faible impact sur notre environnement sont les seules qui permettent d’équilibrer durablement nos besoins en énergie avec les ressources de la planète.

Le scénario appliqué à la France

Partant de cette démarche simple et rigoureuse et l’appliquant à la France, le scénario négaWatt arrive aux deux conclusions suivantes. En premier lieu, il est possible de stabiliser puis de réduire notre consommation d’énergie primaire en 2050 à 62% de sa valeur actuelle. Il est aussi possible de limiter nos émissions de CO2 énergétique à 1,7 tonne d’équivalent CO2 par personne, contre 6,7 actuellement, tout en se passant de la production d’électricité nucléaire à partir de 2030 environ, au moment où les centrales actuelles seront en fin de vie.
Il ne s’agit en aucune manière d’un « retour en arrière », bien au contraire ! La France du scénario négaWatt continuerait à utiliser l’électricité : la consommation serait stabilisée à son niveau de 1994 et, grâce aux gains en efficacité, le service rendu serait double par rapport à aujourd’hui. La France se chaufferait, mais aurait engagé un plan ambitieux de rénovation des logements construits avant 1975 mobilisant ainsi un considérable gisement d’économies d’énergies et d’emplois. Enfin, elle se déplacerait toujours : les priorités seraient mises sur les transports collectifs, le développement de véhicules urbains à très faible consommation, un rééquilibrage volontariste des déplacements de marchandises vers le rail et un meilleur usage de la voiture.
Ce n’est pas de la science-fiction : différentes études européennes sur des « sociétés sobres en carbone et en énergie » ont donnée des résultats similaires.

NégaWatt et développement

Si le scénario négaWatt concerne la France, les scénarios mondiaux basés sur des approches similaires [Cf. plus bas encadré [R]évolution énergétique de Greenpeace] arrivent aux mêmes conclusions : la consommation d’énergie, et donc les impacts liés, ne sont pas inéluctablement proportionnels au niveau de développement. Les besoins légitimes en services énergétiques peuvent être satisfaits avec une moindre consommation d’énergie.
La démarche négaWatt est particulièrement adaptée aux pays ou régions mettant en place aujourd’hui leurs infrastructures : les économies en combustibles permettent de réduire les dépenses, les dépendances, mais aussi de mieux se protéger face aux aléas. Par exemple, construire un équipement ferroviaire au lieu d’une autoroute ou électrifier de manière décentralisée réduisent les investissements en réseaux de transport de l’électricité et la dépendance aux grands groupes énergétiques. Construire directement des logements efficaces engendre des décennies d’économies et met à l’abri des chocs d’approvisionnement.
Autrement dit, l’approche négaWatt est celle de la responsabilité face aux risques énergétiques et écologiques pesant sur l’humanité, du non-regret et de l’équité.

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[R]évolution énergétique de Greenpeace [encadré Altermondes]

Le scénario mondial de Greenpeace, baptisé [R]évolution énergétique, vers un développement propre et durable, prouve qu’il est possible de réduire de 50% les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050 en tenant compte de la croissance économique et démographique. Élaboré en partenariat avec le Conseil européen des énergies renouvelables (EREC, www.erec-renewables.org), ce scénario s’appuie sur les mêmes piliers que le scénario négaWatt : énergies renouvelables, efficacité et sobriété énergétiques, à même de répondre à 50% des besoins mondiaux d’ici 2050. Les pays développés, à l’image de la France de négaWatt, sont amenés à réduire leurs émissions de plus de 80%. Les pays en développement, en optant pour les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, stabilisent leurs émissions, tout en augmentant leur consommation énergétique.
Plus d’information : www.revolution-energetique.com

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[1L’association négaWatt rassemble aujourd’hui [2007] 95 experts et praticiens, tous impliqués à titre professionnel dans la maîtrise de la demande d’énergie ou le développement des énergies renouvelables et engagées à titre personnel dans ses travaux. Elle est à l’initiative d’un « Manifeste pour un avenir énergétique sobre, efficace et renouvelable » qui prend appui sur un « scénario négaWatt 2000-2050 », mis au point par un collège de 23 experts, la « Compagnie des négaWatts ». Plus d’information : www.negawatt.org.