« Nous entrons dans une ère d’action climatique »

, par   Laurence Tubiana

En marge d’une conférence organisée conjointement par La Dépêche du Midi et l’Institut d’Études Politiques de Toulouse, Laurence Tubiana, ambassadrice chargée des négociations sur le Changement Climatique de la COP21, répondait aux questions du quotidien toulousain sur son rôle dans le cadre des négociations.

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Laurence Tubiana : « Nous entrons dans une ère d’action climatique »
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« NOUS ENTRONS DANS UNE ÈRE D’ACTION CLIMATIQUE »

Laurence Tubiana (interview), La Dépêche du Midi, mercredi 3 février 2016

Dans le cadre de son cycle de conférences en partenariat avec l’Institut d’Études Politiques de Toulouse, la Fondation La Dépêche recevait, mercredi 3 février 2016, Laurence Tubiana, ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique pour la COP21

Quel a été votre rôle à la COP 21 ?

Depuis mai 2014, je pilote l’équipe française chargée des négociations climatiques. Pendant dix-huit mois, nous avons multiplié les contacts avec nos partenaires, afin d’obtenir la confiance de tous et identifier des solutions de compromis.

Que va changer cet accord, concrètement ? Quelle a été la stratégie pour le faire aboutir ?

Le climat est un enjeu si large qu’il dépasse le cadre diplomatique classique. Avec Laurent Fabius, nous avons beaucoup œuvré sur plusieurs points-clés de l’accord. Mais nous avons aussi mobilisé tous azimuts, notamment les acteurs non-étatiques (collectivités, entreprises, investisseurs…) afin de susciter leur engagement. Résultat, le 12 décembre, Greenpeace a annoncé le « début de la fin des énergies fossiles ». Cet accord nous fait entrer dans une ère d’action climatique par tous, pour le bénéfice de tous. Avant Paris, seuls quelques pays développés avaient l’obligation de mettre en œuvre des politiques climatiques. Désormais, ce sont les 195 pays qui en ont l’obligation. Ils devront rendre compte de leurs progrès devant la communauté internationale. L’accord renforce la coopération mondiale, pour aider les plus vulnérables.

Quelles ont été les principales difficultés à surmonter ?

Après la COP, chaque négociateur devait repartir chez soi la tête haute. Avec 195 pays et autant de priorités différentes, ce n’était pas gagné – à moins d’adopter un accord a minima, ce que nous souhaitions absolument éviter. Nous avons dû effectuer un vrai travail de fourmi, pour trouver des propositions qui allaient convenir à tous, tout en étant à la hauteur du défi climatique.

L’objectif de limiter le réchauffement à 2 °C est-il réalisable, et selon quelle échéance ?

C’est possible, d’ici la fin du siècle, à condition de faire plus et plus vite. L’accord est en fait un cadre d’action, qui reconnaît expressément que les actions jusqu’à présent entreprises par les États ne suffisent pas. Il faut y parvenir petit à petit, avec des cycles de cinq ans, en accélérant la réduction des émissions, les financements, les transferts de technologie… et s’efforcer, si possible, de limiter ce réchauffement à 1,5 °C.

Quelles seront les premières mesures facilement applicables ?

La première urgence est que l’accord puisse entrer en vigueur le plus tôt possible. Il sera ouvert à signature le 22 avril prochain à New York, puis les pays devront le ratifier au niveau national. Durant les prochaines années, nous allons aussi devoir prendre les « décrets d’application » de l’accord : préciser, de manière opérationnelle, ses dispositions – sur la transparence, les financements… et finir ce travail d’ici 2020 au plus tard. Dans l’intervalle, nous devons faire le maximum sur le terrain : pousser les États à faire plus, poursuivre les initiatives concrètes lancées à Paris, accélérer la réorientation des flux financiers.

En quoi consiste votre nouvelle mission à la COP22 ?

J’ai été nommée « championne de haut niveau » par Laurent Fabius jusqu’à la fin de la COP 22. C’est un rôle nouveau, créé par les décisions de la COP 21. Je vais avoir un rôle d’animation et de plaidoyer sur le climat, pour faire avancer les grandes initiatives et engagements qui ont été pris. Le but est d’entretenir, dans la durée, la dynamique d’action lancée à Paris. Je crois beaucoup à la théorie des prophéties auto réalisatrices : si l’on pense qu’une chose va se produire et qu’on agit en conséquence, elle arrive. Grâce à l’accord de Paris, les énergies renouvelables vont se développer, la coopération dans les technologies propres va s’accélérer… C’est excitant : tout est encore à construire !

Propos recueillis par Emmanuel Haillot

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