« Les tarifs devraient baisser et non pas augmenter »

, par   Bernard Laponche

Bernard Laponche
L’Alsace, vendredi 10 juillet 2009
Propos recueillis par Simon Barthélémy

Que pensez-vous du souhait d’EDF d’augmenter de 20% ses tarifs ?

C’est une supercherie. On nous dit depuis 30 ans que les prix financent les centrales nucléaires et le réseau de transport de l’électricité, et nous permettent ainsi d’avoir l’électricité la moins chère d’Europe. Or ces investissements sont aujourd’hui amortis, donc les prix devraient baisser ! On a même fait trop de centrales par rapport à la demande française, mais nos exportations sont peu lucratives…

La vérité, c’est qu’EDF a fait des aventures coûteuses à l’étranger, notamment en Angleterre où elle a racheté British Energy, et au Brésil où elle souhaite vendre sa participation dans la compagnie Light. EDF est là bien loin de sa mission de service public. L’entreprise doit rembourser les prêts contractés à l’étranger, et bientôt l’emprunt lancé en France. Mais elle doit en plus financer, sur ordre de l’État, la construction des prototypes de réacteurs EPR, très controversés, et qui ne répondent à aucun besoin de consommation.

EDF affirme aussi qu’elle va investir pour prolonger la durée de vie des centrales nucléaires actuelles d’au moins 10 ans…

Ce qui revient à considérer que les centrales vont être amorties sur une durée plus longue, donc que ses coûts vont baisser puisqu’elle n’aura pas à financer tout de suite l’arrêt et le démantèlement des réacteurs, puis la construction de nouvelles centrales. Et donc que les prix de l’électricité devraient baisser.

Le problème c’est qu’il n’y a pas de transparence sur les coûts d’EDF. La Commission de régulation de l’énergie (CRE) n’est pas une autorité vraiment indépendante, comme il en existe en Grande-Bretagne où la concurrence est réelle. Et l’État, qui devrait se considérer comme le représentant des consommateurs, est aussi actionnaire majoritaire d’EDF. D’où l’ambiguïté du système actuel.

Certains écologistes estiment que l’augmentation des prix peut inciter des programmes d’économie d’énergie. Et vous ?

Certains pays ont instauré des taxes sur l’électricité pour financer des équipements moins énergivores – ampoules basse consommation, réfrigérateurs économes, isolation des bâtiments… — et le message est clair. Ici, l’augmentation des prix sert au contraire à augmenter la production. Mais comme on a déjà des surplus, on ne pousse pas les gens à faire des économies d’électricité, donc la consommation continue à augmenter, et nécessite de nouveaux investissements, donc des augmentations de tarifs pour les financer…

De plus, on continue à construire des centrales nucléaires, qui ne peuvent pas répondre aux pointes de consommation, l’hiver et l’été, époques où nous sommes obligés d’importer de l’électricité.

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