« Le plus grand ennemi de l’accord climat, c’est la crise économique »

, par   Laurence Tubiana

En 2015, la France accueillera et présidera la 21e conférence sur le climat. L’économiste Laurence Tubiana, qui vient d’être nommée représentante spéciale de Laurent Fabius, en décrypte les enjeux pour Sciences et Avenir.

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Laurence Tubiana : « Le plus grand ennemi de l’accord climat, c’est la crise économique »
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« LE PLUS GRAND ENNEMI DE L’ACCORD CLIMAT,
C’EST LA CRISE ÉCONOMIQUE »

Laurence Tubiana (interview), Sciences et Avenir, samedi 17 mai 2014

La France accueillera et présidera l’an prochain la 21e conférence sur le climat. L’économiste Laurence Tubiana, qui vient d’être nommée représentante spéciale de Laurent Fabius, décrypte les enjeux pour Sciences et Avenir.

La France accueille la prochaine conférence qui doit aboutir à un accord global pour le climat. Quel sera son rôle ?

Comme présidente, la France devra bâtir un bon compromis entre les pays. Un bon compromis ce n’est pas un accord pour un accord, c’est une base solide pour répondre aux problèmes du climat ; donc la France comme présidente doit pousser les uns et les autres à se mettre d’accord mais de façon dynamique.

Il ne s’agit pas seulement de faire les comptes et de constater qu’on n’arrive pas à proposer des pistes sérieuses en matière de réduction des émissions ou d’adaptation, mais de se donner les meilleures chances pour que progressivement les ressources d’énergie fossiles soient marginalisées et que la déforestation soit stoppée, des villes durables soient construites.

Quelle sera votre mission exacte pour la conférence de Paris 2015 ?

Mon rôle au sein de l’équipe française est d’assister le ministre qui va présider cette négociation. Il faut en particulier mobiliser tous les acteurs qui en dehors des gouvernements veulent participer à l’effort. C’est le cas des villes, des régions, de nombreuses entreprises.

L’idée est de comprendre ce qu’ils peuvent apporter, beaucoup sont en train de s’organiser d’ores et déjà, et ce qu’il faut c’est évaluer en quoi leurs propositions aident à nous mettre sur les bon rails.

Est-ce que les changements qu’ils proposent, en terme d’énergies renouvelables, de gestion des déchets, d’efficacité énergétique, ou de gestion de leurs portefeuilles financiers construisent les bases de l’économie “sobre en carbone”" ? Donc mon premier travail sera de faire l’inventaire de ces initiatives et d’évaluer ce qu’elles peuvent apporter, de rencontrer un maximum de ces porteurs de projets.

Un moment important sera le sommet de septembre 2014 sur le climat organisé par le secrétaire général des Nations Unies qui réunira les chefs d’État et les responsables d’entreprises de villes et de régions.

La conférence de Copenhague a été décevante, pourquoi celle de Paris 2015 serait-elle un succès ? Les conditions sont-elles réunies cette fois-ci ?

Les pays n’étaient pas préparés à prendre des engagements à Copenhague. Depuis le début de la négociation, les grands pays émergents et beaucoup de pays à revenu intermédiaire (le Mexique, la Colombie etc…) réfléchissaient encore selon une logique où eux-mêmes n’auraient pas grand-chose à faire dans l’immédiat. Et selon laquelle les pays développés étaient toujours les plus concernés par la politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ils ont donc résisté jusqu’au bout… mais en faisant de fait des progrès. Car tous les pays ont commencé à se poser la question de ces nouvelles responsabilités et de ces nouvelles politiques.

La situation n’est donc plus la même aujourd’hui : la plupart des grands pays se préparent et ont mis en place des politiques de réductions des émissions. Par ailleurs, la Chine est devenue de loin le plus grand émetteur.

Cependant la crise économique est passée par là et les citoyens et les responsables politiques de beaucoup de pays se désintéressent des risques environnementaux pour se concentrer sur la sortie de cette crise. Pourtant, le changement climatique causera beaucoup plus de dommages économiques que la crise des subprimes. Le plus grand ennemi de l’accord climat, c’est la crise économique.

Propos recueillis par Rachel Mulot

Bio express. Cela fait 22 ans que l’économiste Laurence Tubiana planche sur les questions climatiques. Fondatrice de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), cette « paresseuse hyperactive », comme elle se définit elle-même dirige la chaire de développement durable de Sciences Po à Paris et préside, depuis 2013 le conseil d’administration de l’Agence française de développement. Elle enseigne également à l’université Columbia, à New York. Juste avant sa nomination comme représentante spéciale de Faurent Fabius pour la COP 21, elle présidait les débats sur la transition énergétique. Experte reconnue dans le monde entier, elle suit les négociations internationales pour la France depuis le sommet de la terre à Rio en 1992.
Lors du sommet de Copenhague, en 2009 une caméra l’avait suivie pour Canal +, dévoilant les coulisses féroces et feutrées de ce sommet, ses rebondissements et ses coups bas politiques.

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