La transition du système électrique français à l’horizon 2030 : une analyse exploratoire des enjeux et des trajectoires

Après deux décennies marquées par une grande stabilité, le système électrique français s’apprête à faire face à d’importants enjeux sur la décennie à venir. Ces enjeux résultent en premier lieu du nécessaire renouvellement des équipements de production, suscitant notamment la question de l’avenir du parc nucléaire français : 37 réacteurs, représentant plus de la moitié de la puissance installée (63,1 GWe) atteindront leurs 40 ans de fonctionnement d’ici à 2025. D’autre part, ces enjeux se réfèrent aux objectifs politiques issus de la Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (loi TECV), adoptée en juillet 2015. Celle-ci fournit notamment les orientations pour une diversification croissante du mix de production d’électricité au travers de deux objectifs clés : diminuer la part du nucléaire à 50 % de la production d’électricité à l’horizon 2025 (contre 75 % actuellement) et développer les énergies renouvelables pour atteindre une part de 40 % de la production d’électricité en 2030...

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Andreas Rüdinger, Michel Colombier, Nicolas Berghmans, Patrick Criqui, Philippe Menanteau : La transition du système électrique français à l’horizon 2030 : une analyse exploratoire des enjeux et des trajectoires
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LA TRANSITION DU SYSTÈME ÉLECTRIQUE FRANÇAIS À L’HORIZON 2030 : UNE ANALYSE EXPLORATOIRE DES ENJEUX ET DES TRAJECTOIRES

Andreas Rüdinger, Michel Colombier, Nicolas Berghmans, Patrick Criqui, Philippe Menanteau, IDDRI n°05/2017, février 2017, 38 pages

Dans le cadre d’une réflexion sur les trajectoires futures du système électrique français, cette étude propose un éclairage sur les enjeux structurels à moyen terme. La première partie analyse les principaux facteurs d’incertitudes qui conditionnent la transition du secteur électrique français sur les plans technique, économique et politique. La seconde partie présente une analyse exploratoire de quatre scénarios d’évolution du système électrique à l’horizon 2030, visant d’une part à évaluer les conditions de mise en cohérence de ces trajectoires, en tenant compte des objectifs politiques, et, d’autre part, à analyser leur capacité à répondre aux enjeux identifiés en première partie, ainsi que leur résilience vis-à-vis des facteurs d’incertitude qui persistent.


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Ci-dessous : Messages clés | Sommaire | Introduction | Conclusion

MESSAGES CLÉS

UNE DÉCENNIE CHARNIÈRE POUR LE SYSTÈME ÉLECTRIQUE FRANÇAIS

Les incertitudes autour du vieillissement du parc nucléaire historique, l’érosion des capacités charbon et fioul ainsi que les objectifs de diversification du mix électrique induisent des transformations de grande ampleur pour le système électrique français. Au-delà des objectifs politiques nationaux, la transition du système électrique français doit également prendre en considération les évolutions du marché européen interconnecté. Face à ces nouveaux défis, la planification joue un rôle clé pour élaborer une trajectoire cohérente et résiliente face aux incertitudes.

L’ÉVOLUTION DE LA DEMANDE ÉLECTRIQUE, UN ENJEU INSUFFISAMMENT CONSIDÉRÉ

Trop souvent considérée comme une donnée exogène, l’évolution de la demande électrique devrait être réaffirmée comme point de départ de la planification, autour d’une vision politique ambitieuse et d’objectifs chiffrés, afin d’éviter le risque d’investissements échoués dans les infrastructures de production. L’évolution du solde exportateur français pourrait également représenter un levier stratégique pour créer des marges de manœuvre pour la transformation du mix électrique.

LE DÉFI DE LA GESTION DE L’ÉCHÉANCE DES 40 ANS POUR LE PARC NUCLÉAIRE FRANÇAIS

La moitié des 58 réacteurs existants devront réaliser leur 4e visite décennale d’ici à 2025, mettant en lumière le besoin de définir une stratégie de gestion cohérente à moyen terme tenant compte des objectifs politiques décidés, de l’intérêt et des incertitudes techniques et économiques relatives à l’extension de leur durée de vie. À consommation stable et sans augmentation du solde exportateur, aucune prolongation de réacteur n’est en théorie nécessaire avant 2025 pour respecter l’objectif de réduction de la part du nucléaire à 50 % de la production d’électricité française.

LE MANQUE D’ANTICIPATION DES ÉCHÉANCES PEUT AVOIR UN COÛT SIGNIFICATIF

L’élaboration d’une trajectoire phare sur le moyen et long terme paraît indispensable afin d’assurer une transition progressive et la cohérence entre les points de passage 2023 (planification pluriannuelle de l’énergie), 2025 (diminution du nucléaire) et 2030 (développement des énergies renouvelables électrique). L’analyse des trajectoires montre ainsi qu’en l’absence d’un meilleur lissage des évolutions, la période 2023-2025 pourrait générer des transformations potentiellement brusques et coûteuses.

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SOMMAIRE

INTRODUCTION

1. LES DÉFIS STRUCTURELS POUR L’AVENIR DU SYSTÈME ÉLECTRIQUE FRANÇAIS

1.1. L’évolution de la demande en électricité d’ici à 2030
1.2. Le vieillissement du parc nucléaire français
1.3. La problématique du renforcement de la sûreté des réacteurs
1.4. Les incertitudes économiques autour de la prolongation des réacteurs
1.5. Le potentiel à l’export de la production française sur le marché électrique européen
1.6. Le rythme de développement des énergies renouvelables
1.7. Les nouveaux défis pour assurer l’équilibre offre-demande
1.8. Les enjeux de temporalité et d’anticipation des décisions
1.9. Conclusion sur les enjeux structurels du système électrique français

2. ANALYSE DE SCÉNARIOS DE TRANSITION DU SYSTÈME ÉLECTRIQUE FRANÇAIS

2.1. Méthodologie et présentation des scénarios
2.2. Le scénario S1
2.3. Le scénario S2
2.4. Le scénario S3
2.5. Le scénario S4
2.6. Analyse comparative des scénarios

3. CONCLUSION

Bibliographie

Annexe

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INTRODUCTION

Après deux décennies marquées par une grande stabilité, le système électrique français s’apprête à faire face à d’importants enjeux sur la décennie à venir. Ces enjeux résultent en premier lieu du nécessaire renouvellement des équipements de production, suscitant notamment la question de l’avenir du parc nucléaire français : 37 réacteurs, représentant plus de la moitié de la puissance installée (63,1 GWe) atteindront leurs 40 ans de fonctionnement d’ici à 2025. D’autre part, ces enjeux se réfèrent aux objectifs politiques issus de la Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (loi TECV), adoptée en juillet 2015. Celle-ci fournit notamment les orientations pour une diversification croissante du mix de production d’électricité au travers de deux objectifs clés : diminuer la part du nucléaire à 50 % de la production d’électricité à l’horizon 2025 (contre 75 % actuellement) et développer les énergies renouvelables pour atteindre une part de 40 % de la production d’électricité en 2030.

Face à l’ampleur des transformations attendues pour répondre à ces défis, la planification de la transition du secteur électrique revêt naturellement une importance majeure. Elle doit en premier lieu permettre la mise en cohérence des différents objectifs en dessinant une trajectoire des évolutions prévues. Elle doit également être l’occasion de décliner ces évolutions dans le temps, afin d’anticiper les échéances clés et d’éviter des changements trop abrupts ou les effets d’irréversibilité. Enfin, elle apparaît indispensable pour coordonner les décisions des différents acteurs du monde énergétique, en leur fournissant la visibilité requise sur les transformations à moyen terme.

Prenant en compte la nécessité de définir une trajectoire pour mettre en cohérence ces objectifs et piloter la transition à court et moyen termes, la loi TECV a également introduit un nouvel outil phare de planification : la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). En tant que « schéma directeur », celle-ci vise à définir des objectifs quantifiés sur un horizon de 5 à 10 ans pour assurer le pilotage des investissements, améliorer la lisibilité de la stratégie politique et permettre un suivi du processus dans la durée. Si l’exercice de planification porte naturellement sur l’ensemble du système énergétique, c’est notamment sur le système électrique que sa contribution est fortement attendue, en vue de définir une feuille de route claire pour sa transition.

La présente étude s’inscrit précisément dans ce cadre de réflexion sur les trajectoires futures du système électrique français et vise à fournir une contribution au débat politique au travers d’un éclairage sur les enjeux structurels à moyen terme. L’étude est organisée en deux parties. La première partie propose un cadrage sur les principaux facteurs d’incertitudes qui conditionnent la transition du secteur électrique français sur le plan technique, économique et politique. La seconde partie présente une analyse exploratoire de quatre scénarios d’évolution du système électrique à l’horizon 2030, réalisés avec l’outil de modélisation ElecSim. Celle-ci vise, d’une part, à évaluer les conditions de mise en cohérence de ces trajectoires, en tenant compte des objectifs politiques, et, d’autre part, à analyser leur capacité à répondre aux enjeux identifiés en première partie, ainsi que leur résilience vis-à-vis des facteurs d’incertitude qui persistent.

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CONCLUSION

Le secteur électrique français devra faire face à de nombreux défis d’ici à 2030, résultant d’une part du vieillissement des infrastructures existantes et d’autre part des objectifs de diversification du mix électrique inscrits dans la loi sur la transition énergétique de 2015. Alors que le système électrique français n’a que peu évolué au cours de la dernière décennie, ces enjeux appellent une première conclusion : cette transition induit des transformations de grande ampleur qui renforcent l’importance de la planification et la définition de trajectoires « phares » pour assurer la cohérence d’ensemble.

L’analyse élaborée dans cette étude a en premier lieu permis de mettre en lumière l’enjeu de la temporalité. Afin de s’inscrire dans un processus de transition progressive et éviter le scénario d’une transition « subie », il faut préparer le changement. S’il y a une conclusion à retenir de l’analyse exploratoire de scénarios, c’est bien celle-ci : le manque d’anticipation peut avoir un coût important en concentrant les changements sur une période courte au lieu de les étaler dans le temps et en multipliant ainsi les risques d’investissements échoués et les décisions peu cohérentes.

Il va de soi que les incertitudes restent nombreuses et tendent à rendre la réflexion prospective et la planification plus délicates : sur l’évolution de la demande, trop souvent considérée comme une donnée « exogène » alors qu’elle est au cœur des politiques énergétiques ; sur la faisabilité et le coût de la prolongation des centrales nucléaires existantes, en l’absence de retour d’expérience ; sur le rythme réel de développement des installations renouvelables dans un contexte réglementaire plus difficile ; ou encore sur l’évolution du marché électrique européen, tributaire des politiques européennes et de celles des pays membres.

S’il faut bien les reconnaître, ces incertitudes ne peuvent pas constituer une excuse pour s’interdire ou remettre à plus tard l’élaboration de trajectoires phares pour la transition du système électrique français. Au contraire, l’absence de toute trajectoire risque de renforcer encore plus les incertitudes, plutôt que de les traiter. C’est bien pour cette raison qu’il faut « inventer demain » comme l’affirmait Gaston Berger, fondateur de l’école française de la prospective : proposer des trajectoires permettant d’atteindre les objectifs de la politique énergétique, évaluer leurs conditions de réussite et leur cohérence, et identifier les leviers permettant de s’ajuster aux événements imprévus et de renforcer leur résilience.

C’est bien là un enjeu majeur pour la PPE introduite par la loi sur la transition énergétique. Or, en l’état actuel, celle-ci fournit seulement des orientations parcellaires sur les changements à venir, essentiellement focalisées sur le développement des ENR, tout en se refusant l’élaboration d’une trajectoire globale construite à partir des objectifs fixés, pourtant nécessaire pour évaluer les conditions de mise en cohérence des transformations.

Si elle n’intègre pas l’ensemble des paramètres (notamment l’analyse de l’équilibre offre-demande au pas horaire), l’analyse exploratoire de scénarios développée dans le cadre de cette étude permet néanmoins de fournir des indications importantes sur les enjeux à traiter dans le cadre de la planification nationale.

Le premier enjeu porte naturellement sur la nécessaire mise en cohérence des objectifs et points de passage. En l’état, en raison de l’intégration d’objectifs de nature (en capacité, en production, en part relative) et horizons (2018, 2023, 2025, 2030) différents, cette mise en cohérence peut prendre des allures de quadrature du cercle. Plutôt que de les dissimuler à travers une prospective tronquée, il apparaît donc indispensable de rendre explicite ces enjeux de cohérence au sein de trajectoires types. Notamment en ce qui concerne les objectifs relatifs à la part du nucléaire et des ENR dans la production d’électricité : soit on admet que l’objectif de réduire à 50 % la part du nucléaire exige dès 2025 d’atteindre 40 % d’électricité renouvelable et 10 % de thermique fossile pour respecter l’objectif d’éviter toute augmentation des émissions de CO2 du secteur. Soit on considère que ce rythme de transformation s’avère trop brutal, auquel cas il faut indiquer qu’une transition plus progressive requiert de reporter l’objectif de réduction du nucléaire à 2030.

Le second enjeu porte sur l’indispensable identification des marges de manoeuvre permettant de renforcer la résilience des trajectoires afin de répondre aux incertitudes. Sur ce point, la PPE ne peut se borner à considérer l’ensemble des évolutions comme des facteurs dépassant l’influence des politiques publiques. S’il va de soi que l’évolution de la pointe hivernale, du niveau de consommation intérieure ou des exports nets ne peuvent se « décréter » a priori, il n’en reste pas moins que les politiques publiques peuvent avoir une influence majeure sur leur progression.

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Énergie, Environnement, Développement, Démocratie : changer de paradigme pour résoudre la quadrature du cercle (Manifeste publié en ligne le 1er mai 2014)

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