L’énergie nucléaire

, par   Bernard Laponche

Bernard Laponche, janvier 2008

Remarque : ce document est la version française originale d’un article paru dans la revue Europa – Novas Fronteiras (n°22, premier semestre 2008, dossier « Politica Energética Europeia ») sous le titre « Sustentabilidade ambiental : energia nuclear ».

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Nuclear power is intentionally excluded from the German government’s climate protection concept. For the dangers of nuclear power are well known. Terrorist attacks on nuclear power plants can have devastating consequences, the disposal of high toxic waste is still a global problem, and the military use of plutonium rise to international security issues.

(Cité en exergue par Bernard Laponche. Source : Taking Action Against Global Warming, a policy paper published by the German government, September 2007)

sommaire

Résumé

La place du nucléaire dans l’énergie au niveau mondial

• Le nucléaire dans la consommation d’énergie
• La production d’électricité d’origine nucléaire dans le monde
• L’évolution des capacités de production d’électricité dans le monde

Quelques éléments sur la technologie nucléaire

Risques et contraintes du développement du nucléaire

• Le risque d’accident majeur
• Les déchets radioactifs
• La prolifération

Et le changement climatique ?

Conclusion

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résumé

La contribution du nucléaire à la consommation d’énergie finale mondiale est très faible. Développée de façon significative dans quelques grands pays industrialisés, la production d’électricité d’origine nucléaire a pratiquement stagné ces vingt dernières années.
Le développement de cette technologie, dans son état actuel, se heurte à trois grands types de risques et de contraintes : le risque d’accident majeur dont les conséquences en termes de vies humaines et d’atteintes durables à l’environnement peuvent être considérables, la gestion à moyen et long terme des déchets radioactifs pour laquelle aucune solution satisfaisante ou acceptable n’a encore été trouvée, la prolifération des armes nucléaires par la dissémination des techniques civiles.
Face aux conséquences de l’augmentation des gaz à effet de serre, le nucléaire est présenté par ses promoteurs comme "la" solution puisqu’il émet effectivement beaucoup moins de CO2 que la combustion de pétrole, de gaz ou de charbon. En réalité, la contribution du nucléaire est actuellement marginale et, même dans l’hypothèse d’un fort développement au niveau mondial, n’apporterait qu’une contribution très insuffisante. La lutte contre les émissions de gaz à effet de serre passe d’abord par une politique d’économie et de recherche d’une plus grande efficacité énergétique. Elle passe ensuite par un plus grand recours aux énergies renouvelables.
Au regard des enjeux du risque climatique, de la sécurité énergétique et du développement économique et social, l’apport réel du nucléaire resterait marginal. Par contre, les risques tant physiques que géopolitique que comporterait un développement de cette technologie dans son état actuel sont tels que la balance "inconvénients versus avantages" penche très nettement en défaveur de ce développement. De plus, le nucléaire impose un système énergétique centralisé, basé sur des unités de grande puissance alors que le progrès technologique porte de façon croissante sur un système énergétique radicalement nouveau, par des actions et des initiatives décentralisées, dans les domaines de l’efficacité énergétique, des énergies renouvelables et des productions combinées de chaleur, de froid et d’électricité par la cogénération et la trigénération.

(haut de page)

conclusion

Face aux conséquences de l’augmentation des gaz à effet de serre, le nucléaire est présenté comme une solution puisqu’il émet effectivement beaucoup moins de CO2 que la combustion de pétrole, de gaz ou de charbon. Mais à y regarder de plus près, ce remède miracle n’en n’est pas un.
En effet, il ne faut rien omettre dans la balance quand on compare les énergies. D’abord, le nucléaire est susceptible de générer des accidents graves pouvant affecter durablement de larges territoires. Ensuite, la gestion des déchets à vie longue n’a pas trouvé de solution satisfaisante. La prolifération nucléaire reste un risque majeur pour la sécurité du monde. Enfin la prolifération reste un risque majeur pour la sécurité du monde et il est faux d’affirmer qu’on peut doter un pays de centrales civiles sans que ne soit possible un usage militaire.
Par ailleurs, rappelons que le nucléaire produit seulement de l’électricité, ce qui ne représente que 20% environ de la consommation d’énergie finale d’un pays développé. Le reste, c’est le pétrole brûlé dans les voitures et les camions, le fuel ou le gaz pour chauffer les bâtiments et assurer la production industrielle mais aussi la biomasse et l’énergie solaire (l’hydraulique et l’éolien produisant de l’électricité).
La lutte contre les émissions de gaz à effet de serre passe d’abord par une politique d’économie et de recherche d’une plus grande efficacité énergétique. Elle passe ensuite par un plus grand recours aux énergies renouvelables.

La poursuite des tendances actuelles de la consommation d’énergie au niveau mondial se heurte à des contraintes insurmontables et conduit à l’impasse du développement, accentue les inégalités entre pays riches et pays pauvres et contribue à la fracture sociale. Le développement économique et social ne peut être que freiné, voire rendu impossible, par l’insécurité énergétique (approvisionnement physique versus contraintes géopolitiques, augmentation des prix, raréfaction des ressources à moyen terme, risques technologiques et d’agressions extérieures de toutes natures), la dégradation de l’environnement local (pollutions, accidents) et global (changement climatique). La montée des prix du pétrole ruine d’ores et déjà les économies les plus fragiles.
Les scénarios de prospective énergétique "laisser faire" (business as usual") mettent clairement en évidence l’impasse politique, économique et environnementale à laquelle ils conduisent.
La sécurité énergétique et les contraintes environnementales sont un défi considérable pour le développement économique et social à l’échelle de la planète. Ce défi ne peut être relevé que par la mise en chantier d’un nouveau modèle des systèmes énergétiques compatible avec le développement durable, afin de "répondre aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations futures d’accéder à leurs propres besoins".

La maîtrise des consommations d’énergie arrive au premier rang des politiques qu’il faut rapidement mettre en œuvre parce que c’est elle qui possède le plus grand potentiel, qu’elle est applicable dans tous les secteurs et dans tous les pays, qu’elle est le meilleur instrument de la lutte contre le changement climatique, enfin qu’elle permet de ralentir l’épuisement des ressources fossiles et d’assurer qu’une part croissante de la consommation d’énergie soit assurée par les énergies renouvelables. Elle constitue en outre un facteur de développement économique par la diminution des dépenses énergétiques et aussi par la création de nouvelles activités et d’emploi. C’est un impératif de premier ordre des politiques énergétiques et économiques.
Ce changement profond de paradigme énergétique qui substitue à la priorité de l’offre la priorité de la demande modifie profondément les rapports du citoyen aux systèmes énergétiques. La satisfaction d’un "service énergétique" à la place d’une "fourniture d’énergie" place au premier rang des acteurs nouveaux : entreprises, collectivités, ménages, professionnels du bâtiment, des transports, de la production industrielle ou agricole et du secteur tertiaire. Les villes et les collectivités territoriales deviennent des animateurs et des promoteurs essentiels de ces nouvelles politiques.
S’ils appliquent une telle stratégie, les pays industrialisés peuvent réduire leur consommation d’énergie dans des proportions notables. Les pays en développement ont besoin d’augmenter la leur, mais ils peuvent le faire avec des taux de croissance bien inférieurs à ceux que les pays riches ont connu dans le passé avec les dégâts que l’on connaît.
Pour la plupart des pays, y compris des grands producteurs d’énergie, la maîtrise des consommations d’énergie est la première ressource énergétique nationale pour les prochaines décennies.

L’Europe peut jouer un rôle leader dans la politique de maîtrise de la demande : tant sa sécurité énergétique que la lutte contre le changement climatique l’y engagent. Les orientations politiques de priorité à l’action sur la demande du Livre vert sur la sécurité énergétique (2000) et du Livre vert sur l’efficacité énergétique (2005) montrent la voie à suivre. Quelques Etats membres sont en pointe mais la majorité continue à vouloir jouer exclusivement la carte de l’offre.
Les décisions de mars 2007 du Sommet européen sur les "trois 20%" (efficacité énergétique, énergies renouvelables, émissions de gaz à effet de serre), comme le "Paquet Energie" présenté par la Commission européenne au niveau de constituent un signal encourageant pour l’Union Européenne. Il reste que le "partage des efforts" entre les Etats membres reste à faire et constituera la pierre de touche de la volonté politique de chacun.

Au regard des enjeux du risque climatique, de la sécurité énergétique et du développement économique et social, l’apport réel du nucléaire resterait marginal. Par contre, les risques tant physiques que géopolitique que comporterait un développement de cette technologie dans son état actuel sont tels que la balance "inconvénients versus avantages" penche très nettement en défaveur de ce développement. De plus, le nucléaire impose un système énergétique centralisé, basé sur des unités de grande puissance alors que le progrès technologique porte de façon croissante sur un système énergétique basé sur les actions et les initiatives décentralisées, dans les domaines de l’efficacité énergétique, des énergies renouvelables et des productions combinées de chaleur, de froid et d’électricité par la cogénération et la trigénération.

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