L’approvisionnement en uranium de la France

, par   Jean-Claude Zerbib

Les différents aspects de l’uranium

L’uranium est un élément chimique naturel qui a trois isotopes : les uraniums 234, 235 et 238, notés 234U, 235U et 238U.

Du point de vue de leur importance pondérale, caractérisée par le taux massique (poids de l’isotope/poids de l’uranium), c’est l’238U qui est dominant : 99,28% contre 0,72% pour l’uranium 235 et 0,0056 pour l‘uranium 234. L’uranium constitue l’élément de base des combustibles de la grande majorité des réacteurs nucléaires pour la production d’électricité en fonctionnement dans le monde. La production et la provenance de l’uranium naturel sont traitées au Chapitre 2.

L’uranium 235 est le seul des trois isotopes à être fissile : dans un milieu contenant suffisamment d’atomes d’235U, si un neutron pénètre dans un noyau de cet isotope, il produit une fission. La fission est une explosion du noyau qui produit deux « produits de fission » (atomes d’autres éléments plus légers), deux ou trois neutrons et libère une très forte quantité d’énergie sous forme de chaleur. Si le milieu considéré contient suffisamment d’atomes d’235U, les neutrons ainsi produits vont à leur tour provoquer d’autres fissions. C’est ce que l‘on appelle la réaction en chaîne.

Un réacteur nucléaire est un appareil qui permet de réaliser la combinaison fission + réaction en chaîne de façon contrôlée afin de produire de la vapeur à partir de la chaleur dégagée par les fissions. Cette vapeur entraîne une turbine et son alternateur pour produire l’électricité. Certains réacteurs nucléaires peuvent utiliser de l’uranium naturel comme combustible mais la grande majorité des réacteurs dans le monde utilisent de l’uranium enrichi pour la production d’électricité d’origine nucléaire. Ce sujet est traité au Chapitre 3.

Les deux autres isotopes 234U et 238U, qui sont également soumis aux flux de neutrons, produisent par activation neutronique deux isotopes fissiles, qui donneront à leur tour, au fur et à mesure de leur formation, des fissions et de l’énergie : l’234U donne de l’235U et l’238U donne l’239U, qui produit par décroissance du neptunium 239, puis du plutonium 239 (239Pu).

Durant leur séjour dans le réacteur, les combustibles initiaux à uranium naturel ou enrichi, connaissent de profondes modifications avec la production des produits de fission, des nombreux isotopes du plutonium et des actinides mineurs (éléments n’existant pas dans la nature et plus lourds que le plutonium). Actuellement, à part en France et en Russie à un degré moindre, le combustible irradié constitue le « déchet ultime ». En France est pratiqué le « retraitement » du combustible irradié pour la production du plutonium par un traitement chimique qui sépare l’uranium, le plutonium et l’ensemble « produits de fission et actinides mineurs ».

On obtient ainsi de l’uranium de retraitement qui peut être à son tour utilisé. Ce sujet est traité au chapitre 4.

Conclusions

Bien que la Russie, 6ème producteur mondial d’uranium naturel, ne vende pas directement son uranium à EDF et Orano, elle joue un rôle important dans l’approvisionnement de la France en enrichissant pour elle de l’uranium naturel, de l’uranium appauvri et de l’uranium de retraitement ou en exportant de l’uranium enrichi à partir de l’uranium naturel de Russie :

  • Areva, devenue Orano, et EDF, ont importé indirectement de l’uranium naturel sous forme de yellow cake (nitrate d’uranyle), en expédiant en Russie cet uranium, acheté chez certains de ses États fournisseurs, pour y être transformé sous forme d’UF6 avant d’arriver en France. De 2000 à 2012, cela a concerné 11 713 tonnes d’Unat (qui représentent 1 880 tonnes d’uranium enrichi ou 1,8 année de chargement).
  • Depuis le début du fonctionnement des réacteurs utilisant des combustibles à oxyde d’uranium enrichi, la France a accumulé 320 000 tonnes d’uranium appauvri (fin 2020). EDF a exporté en Russie 56 078 d’uranium appauvri, de 2000 à 2010, afin de l’enrichir pour l’utiliser dans ses réacteurs. Un tonnage qui a dû permettre à EDF, d’importer de Russie, environ 2 370 tonnes d’uranium enrichi à 3,7% en 235U.
  • Areva et EDF ont également importé de Russie, 7 296 tonnes d’uranium naturel enrichi, de 2000 à 2012, pour fabriquer les combustibles des réacteurs d’EDF. Avec cet importation directe d’Unat enrichi, l’Unat enrichi à partir de la reprise de l’Unat appauvri français (2 370 t) et les 1 880 t d’UNE produites à partir de l’Unat indirectement importé, c’est un total de plus de 11 500 tonnes d’uranium naturel enrichi qui ont été importées de 2000 à 2012

Orano et EDF ont exporté de 2000 à 2012, à parts pratiquement égales, 4 804 tonnes d’uranium de retraitement (URT) en Russie afin de l’enrichir puis de l’importer (environ 650 tonnes d’URT enrichi) et de fabriquer des combustibles à base de cet uranium de retraitement enrichi (URE). Ce combustible a été utilisé de 1993 à 2013 dans les réacteurs de la centrale EDF de Cruas.

Plus récemment (2020-21) Orano a vendu et expédié plus de 1 000 tonnes d’URT à la Russie tandis qu’EDF a pour sa part signé en mai 2018 avec la société Tenex (Russie), un contrat visant à réutiliser de l’URE dans les réacteurs de 900 MWe de la centrale de Cruas à partir de 2023, puis dans 3 à 4 réacteurs de 1300 MWe à partir de 2027.

Nous avons vu que, tant pour l’uranium naturel que l’uranium enrichi, les bilans des exportations directes et indirectes sont complexes. Ils méritent d’être clarifiés et officiellement publiés.

Pour lire l’ensemble de l’article :