Forçage radiatif et PRG du méthane dans le rapport AR5 du GIEC

, par   Benjamin Dessus, Bernard Laponche

Sur la base de la présentation faite dans le « résumé à l’intention des décideurs » du quatrième rapport du GIEC (publié en 2007), la plupart des décideurs considéraient que la responsabilité du méthane dans le forçage radiatif constaté depuis 1750 était seulement de l’ordre de 16 %, très loin du CO2 (55 %) et même de l’ensemble HFC + ozone. Cette erreur de perspective est corrigée dans le nouveau rapport du GIEC, présenté en 2013 et 2014, dont le « résumé à l’intention des décideurs » du Groupe de travail I sur les bases physiques du changement climatique met en évidence de façon beaucoup plus claire l’importance du méthane, responsable de 32 % du forçage radiatif de l’ensemble des GES en mélange homogène entre 1750 et 2011, derrière le CO2 (56 %), qui reste le premier responsable du forçage, mais très loin devant le N2O (6 %) et les HFC et ozone non lié au CH4 (6 %). Parallèlement, le PRG (« Potentiel de réchauffement global ») à 100 ans du méthane, estimé dans le 3ème rapport du GIEC à 21 (valeur retenue dans le cadre du protocole de Kyoto) puis à 25 dans le 4ème rapport, est désormais réévalué à 28, et même à 34 si l’on prend en compte les rétroactions climatiques. Ces avancées du Groupe de travail I du GIEC laissent a priori espérer une meilleure prise en compte des enjeux stratégiques déterminants à court et moyen terme d’une action résolue sur les émissions mondiales de méthane. Pour autant, le « résumé à l’intention des décideurs » tout comme le « résumé technique » du Groupe de travail III - qui étudie les évolutions des émissions de GES et propose des politiques et mesures susceptibles de les réduire à des taux permettant de limiter les changements climatiques - s’avèrent très décevants de ce point de vue : le PRG du méthane y demeure fixé à 21 (!), et, surtout, les limites opérationnelles de la notion de PRG - variations liées à l’horizon temporel considéré, problème du degré de pérennité des actions de réduction envisagées - y sont à peine évoquées...

Page publiée en ligne le 31 mars 2015

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Forçage radiatif et PRG du méthane dans le rapport AR5 du GIEC (Benjamin Dessus et Bernard Laponche)
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FORÇAGE RADIATIF ET PRG DU MÉTHANE DANS LE RAPPORT AR5 DU GIEC

Benjamin Dessus et Bernard Laponche, Le Cercle / Les Échos, mardi 19 mai 2014

Le « résumé à l’intention des décideurs » (RE5-RID) du Groupe de travail I du GIEC, sur les bases physiques du changement climatique, fait apparaître une différence importante sur la valeur du forçage radiatif du méthane par rapport au même document relatif à l’exercice précédent de 2007 (RE4-SID) : 0,97 W.m-2 contre 0,48 W.m-2. Cette différence s’explique essentiellement par le fait que cette seconde valeur est relative au CH4 seul présent dans l’atmosphère alors que la première et plus récente attribue, à juste titre, au méthane, les effets sur le réchauffement climatique, dus à la présence de ses « descendants », ozone troposphérique et vapeur d’eau stratosphérique. Cette méthode d’évaluation du forçage radiatif du CH4 avait déjà été présentée ainsi que les valeurs correspondantes dans le rapport RE4, mais ces résultats n’apparaissaient pas dans le résumé à l’intention des décideurs.

La nouvelle présentation faite par RE5-SID des résultats sur le forçage radiatif par « gaz responsable » permet de mettre en évidence de façon beaucoup plus claire que précédemment l’importance du méthane. Ce gaz est en effet responsable de 32 % du forçage radiatif de l’ensemble des GES en mélange homogène entre 1750 et 2011, derrière le CO2 (56%) qui reste le premier responsable du forçage, mais très loin devant le N2O (6%) et les HFC et ozone non lié au CH4 (6%).

À partir de la présentation faite dans le rapport AR4-RID de 2007, la plupart des décideurs considéraient en effet que la responsabilité du méthane dans le forçage radiatif constaté depuis 1750 était seulement de l’ordre de 16%, très loin du CO2 (55%) et même de l’ensemble HFC et ozone.

D’autre part, le Groupe de travail III du GIEC étudie les évolutions des émissions de GES et propose des politiques et mesures susceptibles de les réduire à des taux permettant de limiter les changements climatiques.

Pour faciliter les comparaisons entre les GES, les émissions de chacun des gaz autres que le CO2 sont comptées en « tonnes équivalent CO2 », calculées à l’aide du « Potentiel de réchauffement global », PRG. Mais la valeur du PRG varie avec l’année horizon choisie pour la comparaison des effets des différents gaz. Le PRG à cent ans (année horizon) a été choisi dans le cadre du protocole de Kyoto comme valeur de référence pour effectuer cette conversion. Évalué à 21 à cette époque, ce coefficient d’équivalence a augmenté à 25 dans RE4 et à 28 dans RE5, et même à 34 si l’on prend en compte les rétroactions climatiques, ce qui représente une augmentation d’un facteur 1,7.

Deux précautions supplémentaires doivent être prises dans l’utilisation de ces valeurs. La première concerne la variation du PRG avec l’année horizon : dans RE5, pour un horizon de 40 ans, soit 2050 pour une émission ponctuelle en 2010, le PRG vaut 57 et même 60 si on prend en compte les rétroactions climatiques. La seconde tient au fait que le PRG est relatif à une émission (ou une émission évitée) ponctuelle, alors que, dans la réalité, on a affaire très généralement à des actions (une année donnée) qui entraînent des réductions d’émissions pérennes ou pseudo pérennes (plusieurs dizaines d’années). On utilise alors le « Potentiel de réchauffement global pour une émission pérenne », (PRGP) dont la valeur est de 45 à 100 ans et 76 à 40 ans, sans tenir compte des rétroactions climatiques.

Le « Résumé à l’intention de décideurs » du Groupe III du GIEC dont les travaux ont porté sur les politiques et mesures de réduction des émissions de GES, présente l’évolution de ces émissions de 1970 à 2010. En 2010, les parts dans les émissions totales sont de 65% pour le CO2 et 16% pour le CH4. Sur la base d’une telle différence dans les contributions relatives, il n’est pas étonnant que la presque totalité des politiques et mesures recommandées portent sur la réduction des émissions de CO2. Mais les émissions annuelles sont exprimées en t CO2éq et le PRG du CH4 utilisé pour cette « équivalence » est le PRG à 100 ans et sa valeur est 21 (celle du Protocole de Kyoto).

La vision de la réalité des phénomènes comme les propositions de mesures de réduction des émissions pourraient être plus diversifiées si l’on tenait compte des valeurs précédemment exposées : un PRG à 100 ans de 28, voire 34 ; un PRG à 40 ans de 57-60 ; un PRGP de 45 à 100 ans et de 76 à 40 ans, sans tenir compte des rétroactions climatiques.

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Benjamin Dessus
Président de Global Chance

Bernard Laponche
Polytechnicien, Docteur ès Sciences en physique des réacteurs nucléaires
Association Global Chance

Lire la suite :

Forçage radiatif et PRG du méthane dans le rapport AR5 du GIEC [11 p, fichier pdf, 565 Ko]
Benjamin Dessus & Bernard Laponche, in Autour de la transition énergétique : questions et débats d’actualité, Les Cahiers de Global Chance, n°35, juin 2014, pp. 64-74

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