« Comment gérer l’angoisse ? »

, par   Pierre Radanne

Entretien avec Pierre Radanne
La Voix du Nord, lundi 29 décembre 2008

Expert européen des énergies et du climat, ancien fondateur de la maison de la nature à Lille, il était récemment l’invité discret du conseil régional. Décapant !

La feuille de route est connue. Comparées à celles de 1990, les émissions mondiales de CO2 ont augmenté de 35 %. En réaction, l’Europe a voté l’objectif de réduire de 20 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2020.

La Voix du Nord : N’est-il pas déjà trop tard ?

Pierre Radanne : « Qui sait, peut-être pas. Nous avons 15 ans pour agir mais c’est une certitude, nos vies vont changer dans les quarante prochaines années.

Pour la première fois dans l’histoire, l’ONU, donc le monde, doit voter le climat qu’il fera sur Terre ! C’est proprement hallucinant, cette solidarité obligatoire est devenue la première question politique totale de l’histoire de l’humanité, puisqu’absolument tout le monde est concerné, contrairement à la pauvreté ou à la violence, les deux autres grands périls. »

La Voix du Nord : Que faire quand on se sent si impuissant face à une situation qui nous dépasse ?

Pierre Radanne : « C’est connu et mesuré, la moitié des réponses au réchauffement climatique est liée aux comportements individuels. Comment je me chauffe, j’achète ou me déplace... La canicule de 2003 fut un virage. La prise de conscience débouche sur l’angoisse, c’est-à-dire l’opposé de l’action.

Comment gérer cette angoisse ? On ne livre aujourd’hui que des diagnostics : on annonce une très mauvaise nouvelle, l’eau va monter partout. Or, l’action est dans la thérapie, pas dans le diagnostic. L’angoisse est refoulée. On déprime, on oublie ou on flambe (c’est foutu, autant acheter un 4x4). Or, la mise en mouvement des gens est une question fondamentale. Pour cela, il faut expliquer, c’est la thérapie qui fera agir.

L’angoisse génère un imaginaire régressif : l’avenir sera pire et il y a déjà crise de la parole des adultes par rapport aux enfants. Comment leur dire ? On voit un monde qui se ferme mais on n’a pas les mots pour celui qui s’ouvre. Le pessimisme est une constance historique dès lors que l’on change de civilisation, comme c’est le cas à présent.

La valeur de ce siècle sera l’optimisation de l’utilisation de la ressource. L’efficacité va remplacer l’expansion, dans le cadre d’une gestion forcément plus écologique de la planète. Qu’on le veuille ou non. »

Propos recueillis par Y.B.

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