Benjamin Dessus : scientifique, expert et artiste

, par   Benjamin Dessus

Ingénieur et économiste, fondateur de Global Chance en 1992, Benjamin Dessus est décédé le dimanche 6 octobre 2019, à l’âge de 80 ans.

Nous reprenons en son hommage un portait publié en 2006 par la revue Enerpresse, portrait qui a le mérite de mettre l’accent sur la diversité de ses engagements et de ses qualités humaines.

La rédaction de Global-Chance.org

Sur cette page :
Françoise Marie, 2006 : Benjamin Dessus : scientifique, expert et artiste
Pour aller plus loin : Changer de paradigme | Les Dossiers de Global-Chance.org

BENJAMIN DESSUS : SCIENTIFIQUE, EXPERT ET ARTISTE

Françoise Marie, Enerpresse, n° 9062, lundi 24 avril 2006

L’association Global Chance, que Benjamin Dessus a fondée en 1992 avec des scientifiques et des chercheurs, est née d’un préjugé qui faisait office de concept à l’époque : « le problème du climat n’est pas gérable tant que les Indiens font trop d’enfants ». D’où l’idée de Benjamin Dessus : « on a un problème global, faisons-en une chance ».

Cette association d’experts regroupe une quinzaine de personnes dont Pierre Radanne et Bernard Laponche, que Benjamin Dessus a connus à l’AFME. Elle organise quelques réunions annuelles et édite son magazine quand « elle a quelque chose à dire ». Elle fonctionne sans subvention.

Depuis toujours attiré par la physique

Benjamin Dessus est ingénieur des Télécommunications. Né à Paris d’un père polytechnicien et d’une mère professeur d’art, il fait des études scientifiques puis, attiré par la physique, il entre au laboratoire de Marcoussis en 1963 pour se diriger, après 1968, vers la physique fondamentale et le laser.

En 1969, il intègre EDF pour monter un laboratoire d’optique pour les centrales mais, plus intéressé par le solaire (il a construit la centrale Thémis), il demande à être détaché d’EDF lors de la création de l’Ademe. En 1978, « avec ses camarades », dit-il, il publie le projet Alter qui prédit un avenir énergétique qui se révélera faux pour le solaire mais exact « en ce qui concerne la maîtrise
de l’énergie
 ».

Il reste cinq ou six ans à l’Ademe mais est prié de partir au changement de gouvernement. Et là il arrive au CNRS comme directeur de plusieurs programmes sur l’énergie et les matières premières, l’énergie et l’environnement, le développement durable. Ils sont une dizaine à travailler sur chaque programme.

Sa tasse de thé, précise-t-il, c’est la prospective. Il écrit son premier scénario « Jérémie et Noé » (du nom de deux de ses quatre enfants) en 1989.

Dans son travail au CNRS, il a une fonction d’expert vis-à-vis des organismes publics. Une de ses missions sera le rapport Jospin sur le nucléaire. Et il noue beaucoup de contacts avec l’extérieur parce que, dit-il, « quand on travaille pour la société, il faut parler avec, rendre les choses susceptibles d’être discutées et non hermétiques ».

Il regrette qu’« aujourd’hui, il y ait un programme énergétique technologique et qu’il n’y ait plus de contact avec la société ».

« Avec l’arrivée de la droite au gouvernement », ajoute-t-il, « le Plan a disparu, la Commission du développement durable aussi. De ce fait, je me suis mis à travailler plutôt avec les associations comme Greenpeace ou les Amis de la Terre pour donner un contenu d’expertise à leurs revendications ».

Il a publié depuis 1989 sept ou huit ouvrages dont un « Que sais-je ? ». La dernière de ses publications est intitulée : « So watt l’énergie, une affaire de citoyens » ou comment mettre les citoyens en marche...

L’expertise via la prospective

Aujourd’hui il met son expertise au service des associations intéressées, donne son avis sur l’EPR, les déchets nucléaires. Sur les cinq ou six experts indépendants qui donnent leur opinion en France, il y en a trois qui font partie de Global Chance.

« Je privilégie les débats avec la société », dit-il « mais mon emploi du temps n’est pas facile à gérer. Mon activité associative a toujours été liée à mon activité professionnelle, tant à l’Ademe qu’au CNRS. Elle continue, le besoin n’est pas rempli par le CNRS dans ce domaine »...

Il travaille actuellement à un scénario sur le thème : « Le nucléaire va-t-il sauver la planète ? Que peut-on en déduire en termes d’effet de serre ? »

Contrairement à ce qu’on pourrait-croire, tient-il à préciser, « je ne suis pas un anti-nucléaire ’primaire’, c’est plus complexe que cela. Lorsque nous avons fait notre rapport pour Lionel Jospin, René Pellat était supposé être le pro nucléaire, moi l’anti et Jean-Michel Charpin l’arbitre. J’ai proposé la technique des scénarios : ni avec nucléaire, ni sans, évaluons ces possibilités, chiffrons-les. On verra ce que çà donnera. Chacun s’y est retrouvé et les chiffres n’ont pas été discutés. Travailler avec des gens qui ont des visions très différentes de l’avenir
est une bonne méthode. C’est ce que nous faisons à Global Chance. Il faut évidemment partir d’un minimum de choses factuelles
 ».

Dans sa vie aussi, dit-il, il fait dans la biodiversité : sur ses quatre enfants, il y en a un qui travaille à la Banque Mondiale, une qui est sociologue, une cuisinière et un musicien.

Il s’occupe de ses six petits-enfants et garde des contacts avec tous les enfants qui ne sont pas les siens mais qui sont passés et passent dans sa vie quand ils le veulent puisque Benjamin Dessus, en plus d’être un scientifique, est un artiste, et un partisan de l’habitat auto-géré.

L’art, il y est venu, dit-il, quand tous les artistes de sa famille ont disparu. Cela fait à peu près une dizaine d’années. Il peint et sculpte, des activités très « équilibrantes » et il lui arrive d’exposer. La lecture de la littérature scientifique et technique n’entre pas dans ses priorités, car il aime bien, lorsqu’il s’intéresse à un sujet, « se faire une idée tout seul et ne lire les textes qu’ensuite ».

En fait il en va de son intérêt pour l’art comme de son travail. Il avait d’ailleurs créé le Club d’Ingénierie Prospective (CLIP) dont le but était d’imaginer une situation, d’en définir l’enjeu.

La Maison du Val, à Meudon

Benjamin Dessus vit aussi son art dans le quotidien. Avec dix autres couples, sa femme, qui est professeur d’histoire et musicienne, et lui ont décidé en 1978 de vivre en habitat auto-géré.

Ils ont conçu et fait construire un immeuble où chaque famille dispose de son appartement mais avec un espace commun de 300 mètres carrés dans lequel se trouvent une salle de polyvalente, des endroits pour accueillir des concerts, des expositions, parfois même des gens un peu isolés.

Ils n’ont, dit-il, jamais connu de problème de gestion financière. « Il faut dire », explique-t-il, « que j’avais déjà vécu dans de vraies communautés et que cette fois nous avons décidé de ne rien mettre de contraignant entre nous. Nous dînons une fois par mois ensemble pour gérer l’habitat et nous pouvons faire des activités en commun ».

Cela a été une expérience très intéressante pour les enfants, commente-t-il, qui étaient une trentaine à l’époque et pour qui toutes les portes étaient ouvertes. Il a apprécié ce mode de vie à tous les instants, que ce soit quand il était un peu désœuvré (ayant quitté EDF) puisqu’il a pu s’occuper de l’organisation de la maison, ou au contraire quand il était trop occupé parce qu’« on ne peut pas vivre enfermé ».

Sinon, il a une maison dans le Morbihan dans laquelle il passe quatre ou cinq jours par mois, fait beaucoup de voile (une passion dont il a failli faire sa carrière) et de randonnées avec sa femme.

Benjamin Dessus n’a par ailleurs jamais été tenté par un poste de pouvoir en politique mais il a participé à une liste commune avec les partis de gauche lors d’élections municipales à Meudon et il indique avoir une présence d’opposition constructive sur les positions des citoyens.

Il estime qu’on peut faire de la politique efficace au niveau local surtout dans une ville « bourrée d’intellectuels » comme Meudon.« C’est un peu idiot de ne pas utiliser les compétences de chacun ».

Comme la multitude d’activités qu’il mène dans tous les domaines a de quoi étonner, il dit simplement : « je ne sais pas faire deux choses à la fois mais
je peux passer d’une activité à une autre très rapidement
 ».

Françoise Marie, avril 2006

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En accès libre sur Global-Chance.org, l’essentiel des Publications de Benjamin Dessus au cours de la période 1989-2019.


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Énergie, Environnement, Développement, Démocratie : changer de paradigme pour résoudre la quadrature du cercle (Manifeste publié en ligne le 1er mai 2014)

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