Après Volkswagen, que peut-on faire ?

, par   Benjamin Dessus

Les commentaires actuels concernant l’affaire Volkswagen se concentrent sur la nature et la distribution des responsabilités de la fraude à l’intérieur de l’entreprise et à ses conséquences économiques et financières. Du côté des partis politiques, les déclarations fusent pour ou contre le maintien du diesel en France, avec diverses propositions de taxes incitatives et de subventions nouvelles aux « voitures propres ». Mais la question de fond n’est pas abordée de front : est-il possible, oui ou non, dans des « conditions économiques raisonnables » de produire des véhicules sobres en émissions de gaz à effet de serre et qui ne mettent pas gravement en danger la santé des populations du fait de leurs émissions de particules fines et d’oxyde d’azote ? Et si ce n’est pas possible, quelles sont les alternatives envisageables pour réduire l’ensemble des émissions liées aux transports ?


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Après Volkswagen, que peut-on faire ? (Benjamin Dessus)
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APRÈS VOLKSWAGEN, QUE PEUT-ON FAIRE ?

Benjamin Dessus, AlterEcoPlus.fr, mercredi 14 octobre 2015

Les commentaires actuels concernant l’affaire Volkswagen se concentrent sur la nature et la distribution des responsabilités de la fraude à l’intérieur de l’entreprise et à ses conséquences économiques et financières. Du côté des partis politiques, les déclarations fusent pour ou contre le maintien du diesel en France, avec diverses propositions de taxes incitatives et de subventions nouvelles aux « voitures propres ».

Mais la question de fond n’est pas abordée de front : est-il possible, oui ou non, dans des « conditions économiques raisonnables » de produire des véhicules diesel (ou essence) sobres en émissions de gaz à effet de serre et qui ne mettent pas gravement en danger la santé des populations du fait de leurs émissions de particules fines et d’oxyde d’azote ?

Progrès considérable

L’Union européenne a défini une norme dite « Euro 6 », qui s’applique à l’ensemble des véhicules thermiques. Elle concerne à la fois les émissions de Nox et celles de particules de taille inférieure à 10 micromètres. Elle impose à partir de 2015 un nombre de particules/km inférieur à 6x10exp11 pour le diesel et de 6x10exp12 pour l’essence, et des émissions de Nox inférieures à 80 mg/km pour le diesel et à 60 mg/km pour l’essence.

Le respect de ces normes constituerait un progrès considérable pour la santé de nos concitoyens. Les véhicules diesel non équipés de filtre à particule et de dispositif anti-Nox émettent en effet de l’ordre de 100 fois plus de particules fines (5 à 7x10exp13/km) et 7 fois plus de Nox (>500 mg/km), les véhicules à essence classiques deux fois plus de Nox (150 mg/km) et de l’ordre de 10 fois plus de particules fines.

Trois questions se posent alors :
• Dispose-t-on des technologies nécessaires au respect de ces normes, non seulement dans les conditions très particulières des essais sur bancs actuels mais aussi en situation réelle de conduite ?
• Ces nouvelles normes sont-elles suffisantes ou faudra-t-il en adopter d’autres plus sévères à plus ou moins long terme ?
• Si oui à quels coûts ?

Pour répondre à la première question il faut engager rapidement une vaste campagne de tests incontestables, aussi bien sur banc que sur le terrain, de façon à disposer de chiffres crédibles sur les meilleures performances disponibles sur le marché. Les tests proposés actuellement dans l’urgence par le gouvernement sur un échantillon de 100 voitures, destinés principalement à détecter les fraudes éventuelles de nouveaux constructeurs, ne répondent évidemment pas à cette question.

Il faut aussi répondre à la seconde question en instruisant en particulier dès maintenant le problème du nombre de particules ultrafines (inférieures à 2,5 micromètres) qu’il faudrait impérativement respecter, en prenant la précaution de raisonner sur l’ensemble du cycle de vie des véhicules (1).

Si aucune solution technique n’est trouvée, c’est très probablement, au-delà du diesel, la prolongation de l’usage de l’ensemble des véhicules thermiques qui est en question.

Si ces deux points peuvent trouver des solutions techniques, quel coût cela représentera-t-il pour la collectivité et le consommateur ?

Un choix coûteux

Dans ce domaine, l’élément de jugement déterminant ne devrait pas être le surcoût éventuel du diesel ou d’un véhicule à essence respectant réellement les nouvelles normes par rapport aux véhicules actuels hors norme, mais le coût de ces véhicules comparé à celui des solutions réputées non ou moins polluantes (mais encore faudrait-il aussi le vérifier sur le terrain) comme le véhicule électrique ou le véhicule hybride.

Donnons en un exemple : le surcoût actuel à l’achat d’un véhicule électrique d’entrée de gamme par rapport à un véhicule thermique est de l’ordre de 15 000 euros (borne de recharge des batteries comprise). 11 500 euros sont pris en charge par la collectivité au titre du bonus écologique et des subventions à l’installation des bornes de recharge, sans compter le manque à gagner de l’ordre de 4 000 euros engendré par le différentiel de taxe entre l’électricité et les carburants (2).

L’alternative promue par la ministre de l’Écologie est donc extrêmement coûteuse pour l’État et risque de le rester longtemps, même si l’apprentissage industriel permet d’espérer une réduction importante du surcoût actuel.

Il faut donc s’appuyer sur d’autres stratégies pour diminuer les risques sanitaires et environnementaux au premier rang desquelles on devrait trouver :
• Chaque fois que c’est possible la substitution de la voiture individuelle par des transports en commun dont l’empreinte environnementale par passager/km est souvent d’un ordre de grandeur inférieur à celle du passager/km automobile.
• L’encouragement du covoiturage dans tous les cas où cela ne risque pas de se traduire par un report des transports guidés vers les véhicules particuliers.
• L’obligation pour les constructeurs de mettre enfin sur le marché des véhicules à très faible consommation (<2 litres/100 km) qui auront d’autant plus de facilité à respecter les normes de pollution particulaire et les objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre que leur puissance est plus faible.

Benjamin Dessus
Ingénieur et économiste, président de l’association Global Chance.

Notes

(1) En effet, les émissions de particules fines et de Nox liées à la fabrication des véhicules (et des batteries) sont loin d’être négligeables, comme le montre bien une étude de l’Ademe.

(2) Les taxes prélevées sur la consommation électrique des véhicules au cours des 150 000 km du fonctionnement espéré d’un véhicule électrique sont en effet inférieures à 1 000 euros alors que celles sur le carburant sont de l’ordre de 5 000 euros pour le diesel et de 7 000 euros pour l’essence…

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